Dans Nord Paradis, Christophe Lamotte met en scène l'histoire de sa grand-tante, propriétaire et seule gestionnaire d'une casse dans le Nord de la France. Le cinéaste a été fasciné et intrigué depuis l'enfance par ce milieu étrange et replié sur lui-même: "Pour l'enfant que j'étais, la casse était un terrain de jeu grandeur nature, un lieu magique qui est devenu, à mesure que je grandissais, un lieu d'étouffement, dont je me suis extirpé, sauvé, et qui, en même temps, a forgé une partie de ce que je suis devenu," confie-t-il, avant d'insister sur la difficulté qu'il a eue à enregistrer les siens sans les trahir, sans pervertir ce qu'ils vivent.
Christophe Lamotte a tenu à représenter le monde de cette entreprise en péril avant qu'elle ne disparaisse du marché du travail. En donnant la parole à ceux qui d'habitude ne l'ont pas, il dit avoir tenté de partager, de témoigner et de comprendre "une petite société à l'intérieur de la société où se mêlent l'intime, le social et le politique", un petit clan de moins en moins adapté à la réalité et au coeur duquel se joue une vraie "guerre sociale".
Si le tournage de ce film est d'essence documentaire, les deux acteurs Aurélia Petit et Jean-Michel Fête représentent cependant les éléments fictionnels indispensables au travail du cinéaste, désireux de témoigner mais aussi de partager: "Leur position au sein de la casse est emblématique de ma dualité : à la fois dedans et dehors," explique-t-il.
Juste avant le tournage, Marie-Rose a eu un malaise cardiaque qui a remis en cause le sens même du film. Rétablie à temps, l'actrice amatrice reconnaît s'être entièrement investie dans son personnage : "Marie Rose... C'est elle que je veux voir et qui m'est invisible. Elle est la môme de 20 ans, la femme d'affaire de 40, la dame de 60, la vieille de 80. Elle est toutes ces femmes. Je la rencontre de par son absence. On croit parler d'un tout, on ne parle que de soi", confie-t-elle.
Dans Nord Paradis, Jean-Michel Fête interprète le rôle de Christophe Lamotte. L'acteur s'est fortement imprégné de son personnage en écoutant et en s'appropriant les souvenirs d'enfance de ce dernier. Il souligne l'ambiguïté régnant sur le tournage, notamment pour la mère du cinéaste: "Sa mère a du mal à suivre (...) Aujourd'hui, deux fois, elle m'a appelé Christophe. Elle est un peu perdue, on a presque gagné," s'amuse-t-il. Le comédien de La Faute à Voltaire a joué récemment dans de Go Fast d'Olivier Van Hoofstadt.
Jean-Michel Fête évoque dans ses notes de tournage la facilité quasi gênante avec laquelle il est parvenu à faire partie du monde dépeint par le film: "Le micro qu'on me pose le matin, même s'il est quasi invisible, nous recadre, me relie et m'écarte des collègues. Par moment, je me sens espion, voleur, traître, mais c'est aussi ce micro qui enregistre en continu qui me maintient en place à mon poste de ferrailleur" confie-t-il avant d'ajouter que selon lui, oublier la caméra revient à accepter qu'elle soit toujours là, partout et à n'importe quel instant.
Pierre Chosson est le scénariste attitré de Christophe Lamotte. Le travail de coécriture des deux auteurs date de 1999 avec Un possible amour, le premier moyen-métrage du réalisateur. Ont suivi les fictions Dérives et Ravages (TV). Actuellement, les deux collaborateurs travaillent sur un autre projet qui s'intitulera Disparue en hiver.