Le remake de David Cronenberg (La Mouche, 1986) a quelque peu éclipsé ce film. Inférieur sur les plans artistique et intellectuel, il n'en demeure pas moins un bon petit classique de la science-fiction et de l'épouvante des années 1950. La narration est intelligemment élaborée, en posant d'emblée l'issue de l'histoire, un crime bizarre, puis en remontant dans le passé via un flash-back qui préserve longtemps le mystère. C'est d'ailleurs le suspense qui va primer, dans la réalisation, sur les trucages et autres effets spéciaux, donnant à ce film de genre une tonalité relativement sobre. Tant mieux. On pourra regretter, en revanche, que la mise en scène et l'interprétation ne soient pas à la hauteur. Côté mise en scène, Kurt Neumann n'était qu'un "faiseur" à Hollywood, tournant à la chaîne de petits divertissements populaires (aventure, western, SF...) entre 1930 et 1958. Il a notamment réalisé quatre aventures de Tarzan. La Mouche noire est son plus gros succès, mais il est dû au scénario plus qu'à sa direction d'acteurs. Des acteurs qui forment ici un casting hétéroclite : Patricia Owens exaspère avec ses manières de femme au foyer directement sortie d'une pub TV, cruche et gnangnan ; David Hedison (crédité Al Hedison au générique) est un apprenti-sorcier assez fade ; Vincent Price semble déjà ringard à l'époque ; et Herbert Marshall, que l'on a connu subtil chez Lubitsch, est à l'ouest, peu concerné par son rôle. Si l'on en croit Patrick Brion (Le Cinéma fantastique), Vincent Price et Herbert Marshall ont eu du mal à conserver leur sérieux et à dire leur texte durant le film, par exemple lors de la scène où l'on retrouve la mouche prise dans une toile d'araignée. Une scène il est vrai kitschissime... Mais qu'importe, il y a là de l'audace et de l'imagination. Et même au second degré, ce n'est pas déplaisant.