Avec un Spider-Man parti virevolter avec ses petits copains du MCU, Sony se trouva fort dépourvu niveau films de super-héros. Mais c'était bien mal connaître les têtes pensantes du studio qui eurent une idée aussi miraculeuse que saugrenue pour continuer à remplir le tiroir-caisse : créer un Spider-verse sans l'homme-araignée en commençant avec un de ses ennemis les plus emblématiques : le parasite extraterrestre Venom...
Dans le fond, pourquoi pas ? Développer une galaxie de super-vilains dans leurs propres films en perspective de les envoyer directement casser du Peter Parker en cas de raccordement in extremis avec le MCU (ou du retour de Spider-Man dans l'escarcelle de Sony) n'est pas si bête, surtout si ces longs-métrages en solo épousent les ambitions noires et torturées de ces ennemis. D'ailleurs, la campagne promo en misant sur côté anti-héros nous vendait une belle plongée dans les ambitions malfaisantes de la créature de l'espace, fer de lance de cet univers...
Pas de bol, dans la même veine de decéption de "Suicide Squad" avec sa cohorte de vilains, "Venom" n'est justement traité que comme un super-héros de plus, dénaturant le personnage du symbiote maléfique pour n'en faire au mieux qu'un petit caniche hargneux et blagueur aux prises avec son hôte humain, Eddie Brock, bien loin du super-vilain cruel de sa version papier. Évidemment, on pourra toujours supputer que le choix d'une version visant un large public en est la cause (le charcuta... hum pardon... le montage est souvent un chaos sans nom), seulement, même avec cet argument et en imaginant quelques giclures de sang en plus, on ne voit pas comment passer outre cette espèce de vision anachronique choisie qui semble éluder environ plus de dix ans de films super-héroïques. "Venom", c'est un peu une relecture simpliste de comics à la "4 Fantastiques" premier du nom, tout y est polissé à l'extrême pour être totalement naïf, épais de sentiments et tout rigolo. À l'époque des films de Tim Story, une telle approche pouvait être considérée comme divertissante et "Les 4 Fantastiques" 1 et 2 étaient encore les protypes d'une nouvelle génération d'adaptations du genre à venir mais, ici, comment expliquer ce retour en arrière incongru (qui, en plus, n'a aucun sens avec la personnalité d'un Venom) sinon l'objectif de faire un film purement commercial dénué d'une quelconque ambition artistique ?
On est certes un peu dur, après tout, le long-métrage n'a pas la chance d'avoir un Peter Parker/Spider-Man rival pour marquer le passage d'Eddie Brock/Venom vers le côté obscur mais alors pourquoi aller chercher un antagoniste maléfique de pacotille en la personne de Carlton Drake, un milliardaire/tripatouilleur de symbiotes, si ce n'est pour donner le beau rôle à Eddie/Venom ? Bien sûr que les comics ont toujours plus valorisé Venom lorsque celui-ci était confronté à ses collègues symbiotes mais jamais au point d'en gommer tous ses traits de caractère pour en faire un buddy/sidekick/vanneur de Brock ! En cumulant ces deux points, "Venom" ne se résume plus qu'à un festival de répliques plus gênantes que comiques entre Venom et son hôte avec en toile de fond une sombre histoire de fusée faisant intervenir de manière bien pratique ses potes parasites pour le fan-service.
Rien n'est mémorable dans "Venom" : les personnages sont lisses et connus à un point qu'on se fiche de leur sort au bout de quelques minutes, leurs interprètes en font des caisses (coucou Tom Hardy !) ou ne sont pas concernés (coucou... ben tout le reste !), l'intrigue n'est qu'une succession de péripéties que le film met toujours en place en les soulignant en amont de manière horripilante, les scènes d'action sont brouillonnes, au mieux banales quand elles ne sont pas noyées sous le poids de CGI affreux (le pauvre Ruben Fleischer essaie tant bien que mal de faire de jolis plans dans l'acte final, dommage qu'ils ressemblent à des cinématiques d'un mauvais jeu vidéo), le décor des rues de San Francisco est utilisé artificiellement pour faire plein de zolies cascades à moto, l'enchaînement d'une séquence à l'autre atteint parfois des pics de n'importe quoi aléatoire (mention spéciale à la gestion temporelle de la veille dame parasitée qui met six mois à trouver un aéroport !)...
Bref, tout sonne creux dans ce "Venom" que personne ne semble avoir pris au sérieux afin de le rendre un tant soit peu mémorable. On se retrouve devant un divertissement super-héroïque lambda, désuet avant même d'atteindre son générique de fin par son approche et que l'on consomme sans trop se poser de questions comme un énième repas de fast-food.
La cerise sur le gâteau sera cette première scène post-générique, probablement une des plus loupées de l'histoire du genre, qui introduit un personnage ô combien emblématique (et incarné par un acteur qui l'est tout autant) de la façon la plus gratuite qu'il soit juste pour contenter le fan à qui on avait promis cette apparition (et sa présence dans une suite désormais actée). On ne parlera même pas de la deuxième surprise, une sorte d'énorme coup de publicité pour un autre pan de l'univers "Spider-Man" qui parachève de renvoyer "Venom" à un simple produit commercial vidé de sa substance... et de son venin.