Auteure ici de son premier long-métrage, Sophie Letourneur évoque une histoire qu'elle maîtrise depuis longtemps, et pour cause: elle confesse avoir donné à son récit une sérieuse empreinte autobiographique. Elle avait déjà orienté son premier court, La Tête dans le vide, autour des trois principales protagonistes que l'on retrouve ici. Elle y jouait également son propre rôle.
Soucieuse de vouloir rendre son histoire la plus crédible possible, la réalisatrice a choisi une vraie bande de copines, un groupe d'amies du "chanteur" Benjamin Siksou dans la vraie vie, qui trouve lui aussi une place au casting, dans un rôle peu éloigné du personnage qu'il est devenu à la suite du télé-crochet qui l'a soudainement rendu publique.
Ce vrai groupe d'amies sur lequel repose le film, a offert à toutes ces jeunes comédiennes une première opportunité de cinéma. Aucune d'elles n'étant professionnelles, la réalisatrice explique qu'elle a tiré de cette authenticité un ajustement à la forme et à la force de son scénario: "Elles m’ont donné un peu de ce qu’elles étaient et m’ont aidée à me détacher de ma propre histoire, au final c’est un mélange de réalité et d’adaptation", confesse-t-elle.
"Le groupe étant constitué comme un seul corps", il était important pour la réalisatrice que les phrases s’entrecoupent lors du tournage, qu’il y ait une simultanéité maitrisée du son et des dialogues. Pour ce faire, elle a élaboré un CD sur la base d'enregistrements de situations réelles, afin que les actrices n’aient alors plus qu’à le répéter ensemble, "au même titre qu’une partition ou une chanson," précise-t-elle.
Travaillant avec le même monteur depuis ses premières réalisations, Sophie Letourneur explique à quel point cela facilite et accélère un processus déjà affiné par l'élaboration du CD qu'elle avait limité à 5h. "Nous ne revenons jamais en arrière, ce qui est un véritable gain de temps", précise-t-elle. "Et nous ne profitons pas du montage numérique et continuons de travailler à l’ancienne !"
A la suite de disputes, le groupe d'amies décide de partir dans une maison familiale en Auvergne afin de faire une "pause". Dégagée des tensions et du bruit de la vie parisienne, un nouveau mode de relation s'instaure entre elles, que la réalisatrice définit ainsi : "Le fait de les déplacer dans d’autres contextes crée des problèmes, des incompréhensions, des conflits.(...) Quelque chose se dégonfle, quelque chose est mort et pour moi c’est comme si je commençais un deuxième film."
Selon un mode qu'elle a établi depuis son premier court, chaque fin de film doit annoncer le suivant de manière plus ou moins directe. Ici, après avoir suivi à Berlin les traces du personnage qui la représente, elle choisit volontairament une issue "bâtarde" afin d'envisager le prochain "comme une forme de suite avec d’autres personnages, qui collera à d’autres périodes de ma vie."
Parmi les différents festivals durant lesquels il a été projeté (Premiers Plans à Angers, la programmation Acid du Festival de Cannes ou le Festival de Vendôme), le film a obtenu une double récompense au Festival de Belfort en raflant à la fois le Prix du Public et le Prix du Film Français.