C’est la seconde fois que je vois « L’amour en fuite » de François Truffaut depuis sa sortie en 1979, le 5ème et dernier film de la saga Antoine Doinel. A l’époque je n’avais pas trop aimé ce film car il comportait pour moi trop de flash-backs et Dorothée dans le rôle Sabine m’énervait un peu ! Finalement elle ne joue pas mal … mais il est vrai qu’elle est dirigée de mains de maître même si elle n’est apparue ensuite que dans 3 autres films.
Huit ans après leur mariage, Antoine (Jean Pierre Léaud) et Christine (Claude Jade) se quittent en bons termes pour leur fils Alphonse qui évidement joue du violon et « sera critique musical s’il ne joue pas bien et fait des fausses notes ». Antoine est correcteur dans un journal (cf. l’endroit où il dormait après avoir quitté la maison dans « Les 400 coups ») et il a publié son premier roman « Les salades de l’amour » retraçant sa vie. Il fréquente Sabine (Dorothée), marchande de disques (cf. le premier métier d’Antoine), chacun ayant son appartement. Lors de son divorce – le premier par consentement mutuel – Colette (Marie-France Pisier qui est rayonnante), son premier amour platonique de « Antoine et Colette » (elle ne l’aimait pas mais l’aimait bien !), qui est devenue avocate reconnaît Antoine sur les marches du palais et piquée par la curiosité elle achètera le roman d’Antoine chez son libraire Xavier qu’elle courtise en vain. Par hasard Antoine et Colette se retrouvent à la gare, Antoine conduisant son fils pour les vacances et Colette se rendant à Aix-en-Provence pour étudier le dossier d’un père qui a tué son enfant … et bien sûr Antoine de sauter dans le train qui démarre. Il retrouvera Colette dans son compartiment et celle-ci fera une analyse critique de son livre. Colette apprend qu’Antoine écrit un second roman à propos de sa rencontre après la découverte dans une cabine téléphonique d’une photo déchirée, avec Sabine et Colette d’apprendre plus tardivement dans le film, que Sabine s’appelle Sabine Bernarias … comme Xavier qu’elle aime mais quel rapport y a-t ’il entre les 2 ? Colette rencontrera Christine (Claude Jade) et toutes les 2, « anciennes du club d’Antoine Doinel » brosseront les faiblesses et défauts de leur ancien amour, sa « spychologie » pour reprendre le terme utilisé par Antoine lorsqu’il est incarcéré dans un centre de redressement dans « Les 400 coups ».
Le film comporte énormément de flash-backs mais avec en fait des phrases clefs de la vie d’Antoine dont Truffaut détricote la personnalité en montrant sa complexité et toutes ses faiblesses, ses hésitations et impulsions, ses mensonges. Ce film remet « les pendules à l’heure » et il faut souligner que la passion de Sabine est la réparation des horloges avec au passage une extraordinaire horloge en forme … de tour Eiffel. En dehors de la séquence avec Liliane (Dani), une amie de Christine, dont je ne vois pas bien l’intérêt, le film comporte une scène choc : la rencontre d’Antoine avec Mr Lucien (Julien Bertheau) qui était le mari de sa mère décédée alors qu’Antoine était en prison à l’armée. Mr Lucien emmènera Antoine devant la tombe de sa mère qu’il n’avait jamais vue, lui disant que sa mère l’aimait en fait et qu’elle était un peu comme lui « un oiseau … une sorte d’anarchiste (de l’amour) ».
Comme toujours chez Truffaut, un hommage ici à Éric Rohmer et à Lino Ventura … et de nouveau la scène du Sacré-Cœur avec le camion de nettoiement de la chaussée … comme si on nettoyait la vie d’Antoine.
Un film moins jouissif que « Baisers Volés » ou « Domicile Conjugal » mais dans lequel on espère qu’Antoine qui avait « besoin d'une femme, d'une maîtresse, d'une petite sœur ou d'une nourrice, d'une infirmière … », a enfin mûri et compris ce que doit être l’amour dans un couple alors qu’il rejoint Sabine.
Ce film tourné après l’échec commercial de « La chambre verte » (1978), que François Truffaut n’aimait pas trop car il signait la mort d’Antoine/son alter ego ?, est encadré par la chanson d’Alain Souchon « L’amour en fuite ».