Demain dès l'aube a été présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes 2009 dans la catégorie Un Certain Regard, comme le précédent film de Denis Dercourt La Tourneuse de pages.
L'univers des fans de batailles historiques est méconnu du grand public. Denis Dercourt explique comment il a eu l'idée de consacrer un film à cette passion singulière : "Il y a huit ans, j'ai découvert par un article dans un journal l'existence de ces gens qui chaque week-end endossent un costume et recréent aussi fidèlement que possible certaines périodes historiques, la plus représentée étant l'époque napoléonienne. C'est un phénomène assez secret, mais qui existe un peu partout dans lemonde. Ce milieu n'était pas si éloigné de moi puisque de par ma formation, je viens de la musique baroque, un univers où l'on reconstitue également beaucoup les données de l'époque dont on joue la musique (...) La folie du détail historique (ces gens sont en général très documentés), se double d'une folie de l'étanchéité aux autres – personne ne doit savoir quelle est leur identité lorsqu'ils ne jouent plus les hussards. Pourtant, cette passion contamine souvent toute leur existence : les appartements des gens chez qui nous nous sommes rendus pour emprunter des accessoires ou des costumes ont quelque chose du musée, ils sont envahis par l'univers napoléonien."
Le réalisateur revient sur les raisons qui l'ont conduit à choisir Vincent Perez, un acteur habitué aux films d'époque et qu'on n'avait plus vu au cinéma depuis près de cinq ans (il a réalisé un long métrage et travaillé pour le petit écran dans cet intervalle) : "D'une part, c'est quelqu'un qui a une trajectoire complexe : il est à la fois acteur, réalisateur, photographe... D'autre part – et c'était très important pour le film–, il y a le fait que Vincent soit un acteur très identifié au genre costumé, entre La Reine Margot, Cyrano de Bergerac, Le Bossu ... Aujourd'hui, il n'a plus vraiment envie de jouer ce genre de rôles, et dans mon film on le sent précisément réticent à endosser le costume, se fondre dans l'époque. Cela lui correspondait bien. Par ailleurs, le fait qu'on ne l'ait presque pas vu au cinéma ces dernières années me plaisait. Du fait de l'étrangeté du sujet, je ne voulais surtout pas d'un acteur que l'on voit dans cinq films par an pour tenir le rôle principal. Vincent a fourni un travail de préparation considérable entre l'entraînement pour les combats, et le piano dont il n'avait jamais joué auparavant. Et au final, dans le film, c'est lui qui interprète toutes les pièces de musique, et bien sûr tous les duels."
Denis Dercourt a souhaité faire cohabiter dans son film les différents aspects du phénomène décrit, à la fois effrayant et ludique : "Autant que celle du thriller, je voulais que mon récit ait l'atmosphère d'un conte, même si ce conte devient cauchemardesque", souligne-t-il. "Il ne faut pas oublier que tout dans cet univers repose sur le jeu. Et il y a donc quelque chose de fondamentalement enfantin à vouloir ainsi jouer à être quelqu'un d'autre. Lorsqu'on interroge ce qui pousse ces gens à estomper leur identité pour se projeter ainsi en hussards, on a affaire au reliquat d'enfance présent en chacun, réprimé mais bien là, enfoui. Elle s'exprime ici par une inclinaison que je crois très cinématographique, le goût du déguisement."
L'un des personnages les plus intrigants du film est sans doute le Capitaine Déprées, incarné par Aurélien Recoing : "Nous avons beaucoup travaillé sur des références, ça allait du Roi des Aulnes à Star Wars par exemple. Il fallait qu'il soit une sorte de Dark Vador, d'ogre", précise le réalisateur.
On trouve encore un personnage de pianiste dans Demain dès l'aube. La musique est la passion première de Denis Dercourt, qui, avant de devenir réalisateur, fut alto solo au sein de l'Orchestre symphonique français. Son premier long métrage, Les Cachetonneurs (1998), contait les mésaventures d'un groupe d'instrumentistes qui courent le cachet, le réalisateur s'est intéressé au sort de jeunes virtuoses dans Mes enfants ne sont pas comme les autres, et Catherine Frot incarnait une pianiste dans La Tourneuse de pages. A propos de Demain dès l'aube..., il note encore : "Le tracé, l'écriture de ce film a beaucoup à voir avec la composition musicale : il s'agissait d'alterner des phases de tensions et de détente sur une trame somme toute assez linéaire, un récit qui pourrait être une portée sur une partition. En écrivant j'ai beaucoup pensé à Ravel et son amalgame de mécaniques d'horloger et de parfum d'enfance qui s'expriment très simplement, avec beaucoup d'évidence."
Le titre du film est aussi le début d'un des plus fameux poèmes de Victor Hugo, extrait des Contemplations (1856). Le narrateur parle du voyage qu'il s'apprete à faire en s'adressant à un destinataire non identifié. On ne comprend qu'à la fin que cette personne est morte : "Et quand j'arriverai je mettrai sur ta tombe un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur."
Dans un premier temps, le film avait pour titre Loin des Balles.