L'arrivée si tardive sur nos écrans d'un héros pourtant si emblématique chez l'écurie Marvel tient sans doute au fait que le dit héros est, il faut bien le dire, complètement dépassé. Captain America est avant tout, et dans le contexte de sa création sur les planches, un outil de propagande dégoulinant de nationalisme et d'idéaux pro-militaristes à l'époque où la guerre fait rage outre-atlantique. Transposer ce héros au costume d'un ridicule si bidonnant en 2011 parait alors hors de propos. Une première adaptation avait d'ailleurs vu le jour en 1990, mais elle n'a pas l'air d'avoir marqué les esprits. Ici, c'est Joe Johnston qui a la lourde tâche de rendre crédible le héros qui partage les couleurs du pays du camembert. Le gaillard, qui dispose d'un CV en dents de scie (Jumanji, Jurassic Park 3 ou plus récemment Wolfman), s'en sort plutôt bien.
Les scénaristes ont eu la bonne idée de garder le bon vieux Captain' dans son époque, le long-métrage s'imprègne alors d'une ambiance agréable grâce à une esthétique réussie, malgré quelques anachronismes évidents, surtout quand on lorgne du côté des méchants. Mais bon, on est dans Captain America, il ne faut pas l'oublier. Plus admirable encore, alors qu'on pouvait s'attendre à retrouver le côté patriotique exacerbé et inhérent au personnage, Joe Johnston caresse le spectateur moderne (et pas si patriotique que ça) dans le sens du poil en tournant en dérision l'image du Captain dans son contexte. Le résultat est savoureux à l'écran, et met Steve Rogers lui-même mal à l'aise face à un tel déluge de kitch en spectacle. Chris Evans trouve ici un rôle qui sied parfaitement à sa tête de nœud. Ce n'est pas péjoratif, il s'intègre parfaitement dans la peau d'un personnage très lisse et très propre sur lui, mais quelque peu attachant grâce à sa bonté, à son humanité.
C'est d'ailleurs de ce point que l'on peut tirer la principale faiblesse de Captain America. Dans sa première partie, nous découvrons un Steve Rogers profondément humain (et admirablement transformé en gringalet par des effets spéciaux bluffants de réalisme), suscitant une profonde empathie de par ses désirs et ses faiblesses. Dans sa seconde partie, qui voit intervenir un Steve Rogers désormais super héros, le film se révèle beaucoup plus classique, moins affectif. Les scènes d'action s'enchainent sans temps mort (avec des effets spéciaux un peu moins réussis), le rythme permet au spectateur de ne jamais s'ennuyer, mais le tout demeure hélas bien moins accrocheur.
Hugo Weaving, icône geek par excellence, campe ici un Red Skull au potentiel énorme en tant que grand méchant Badass, mais malheureusement pas vraiment exploité. Quand on compare à Kevin Bacon dans le dernier X-Men, merveilleux film super-héroïque d'époque (lui aussi), on ne peut que tiquer. Reste une galerie de seconds rôles sympathiques et aux visages bien connus (Tommy Lee Jones toujours en forme et Stanley Tucci charismatique durant son peu de temps à l'écran), la traditionnelle romance qui a l'avantage ici de proposer quelque chose de différent dans son évolution (et sa finalité), un souffle épique qui hélas n'atteint jamais la classe d'un Iron Man, mais qui propose une aventure plus mouvementée que celle de Thor.
En bref, Captain America, même si il souffre d'un intérêt faiblissant sans sa seconde partie au profit d'une grosse dose d'explosions, propose tout de même un agréable film d'aventures dans son ensemble, qui n'ennuie jamais et amuse souvent, et a su faire du kitch de son héros un argument de poids dans son évolution et dans le façonnage de l'univers qu'il occupe. Le résultat est suffisamment convaincant pour contenter les fans du Comics autant que le grand public.