Le Temps qu'il reste est le troisième long métrage réalisé par Elia Suleiman, après Chronique d'une disparition (1996) et Intervention divine (2002).
"J'avais l'intention de réaliser un film épique qui ne s'inscrive en rien dans les lois du genre. Je voulais fabriquer un film personnel et intime, qui relate des faits historiques mais qui suscite des émotions intenses, sans pour autant être manipulateur. Certains des faits décrits ont eu lieu en réalité dans un contexte de chaos et d'extrême violence. Je resterai à jamais marqué par certains souvenirs de cette époque. Mais je voulais que ce chaos apparaisse tel un ballet où la violence est suggérée par l'émotion et non exhibée. Tout le défi consistait à trouver une traduction cinématographique de cette violence qui soit dénuée de tout sensationnalisme. La cruauté de cette période était extrême. Il m'importait de l'évoquer, non de la dépeindre."
"Je trouve le silence très cinégénique. Le silence est subversif par excellence. Tous les gouvernements le tiennent en horreur car c'est une arme de résistance. Dans la poésie, il a un rôle fondamental de respiration", explique Elia Suleiman. "Nombreux sont ceux que le silence intimide car ils se sentent déstabilisés, dépossédés de leur identité. Regardez les films grand public de l'industrie du cinéma où l'on rêve d'un seul instant de silence et dans lesquels, après le mot FIN, on se rend compte que rien n'a été dit, aucune matière à réflexion n'a été donnée au spectateur. Le silence permet de s'interroger, mais ne met pas à l'aise."
La volonté d'Elia Suleiman de réaliser un film historique s'est vite heurtée au problème du financement, ce qui l'a conduit à adapter sa mise en scène aux soucis qu'il a pu rencontrer : "Ma première réaction a été un sentiment de frustration. Je percevais ces contraintes comme des impossibilités, des empêchements dans mon processus de création", explique le réalisateur. "Mais, par la suite, j'ai dû apprendre la sobriété, à faire le plus avec le moins. Cette expérience dépasse le domaine du cinéma. Cette attitude monacale nous aide à devenir des êtres meilleurs, qui préfèrent donner que prendre. Ce fut pour moi une leçon de vie qui m'a enseigné une générosité spontanée."
"En tout cas, un changement a eu lieu", précise Elia Suleiman. "Je prends une distance vis-à-vis de moi-même, à présent. J'ai remarqué que le temps passant, l'expérience venant, votre pensée devient plus profonde et vous dépasse vous-même, devenu plus mûr. Il arrive parfois que l'on ait recours à des facilités conceptuelles par pur intérêt intellectuel. Mais lorsque l'on partage véritablement une expérience de vie, lorsque que l'on pénètre le territoire moral et le ressenti profond de l'autre dans sa souffrance, indépendamment de son sexe ou de sa nationalité, on prend conscience du plaisir de n'être plus seulement soi mais d'être aussi tous les autres, de toutes les couleurs et toutes les nationalités."
L'un des producteurs associés du film n'est autre que Danny Glover, qu'Elia Suleiman a côtoyé sur le plateur de Bamako, en 2006.
A la bas, l'histoire du Temps qu'il reste devait se dérouler dans deux autres parties du monde, avant qu'Elia Suleiman ne choisisse de se concentrer que sur la Palestine : "J'ai choisi de me concentrer sur un lieu unique et de me consacrer à une véritable recherche intérieure sur des moments infimes de l'histoire afin de les doter d'une épaisseur et d'une profondeur aptes à les rendre universels."
"L'expérience de mes deux premiers films m'a fait prendre conscience qu'il me fallait tout d'abord vivre afin de pouvoir écrire. Cela tient à la dimension semi-autobiographique de mes films qui trouvent leur inspiration dans l'observation directe du réel", explique Elia Suleiman. "Je porte toujours sur moi un carnet que je remplis d'une multitude de notes sur les choses simples de la vie quotidienne comme le souffle du vent sur un arbre. Cette accumulation de notes crée un terreau d'images et de sons où mon film pourra prendre racine. Et si je veux être sincère envers moi-même et les spectateurs, je ne peux pas réaliser plus de films que je ne le fais."
Elia Suleiman tient l'un des rôles du Temps qu'il reste, comme il l'avait fait dans ses deux précédents longs métrages.
Si l'on excepte sa participation à Chacun son cinéma (le segment "Irtebak", c'était lui), Elia Suleiman n'aura pas sorti de film entre 2002 (Intervention divine) et 2009 (Le Temps qu'il reste). Un délai que l'on doit aussi bien au temps que lui a pris la promotion de son précédent long métrage, qu'à celui qu'il lui aura fallu pour accumuler assez de matière nécessaire afin de donner naissance à celui-ci, ou encore pour trouver une producteur.
Elia Suleiman est venu présenter Le Temps qu'il reste en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2009.