Rapt s'inspire de l'affaire de l'enlèvement du Baron Empain, homme d'affaire belge, patron d'un groupe industriel, qui fut victime d'un kidnapping en 1978. Il fut libéré après 63 jours de détention. A propos de la genèse fu projet, le cinéaste se souvient : "Il y a quelques années, j'ai vu un reportage à la télévision dans lequel le baron Empain racontait son aventure. C'était extrêmement troublant et fort. J'y ai repensé régulièrement, avec toujours une envie intacte de faire un film autour de cette histoire-là (...) En fait, c'est l'histoire d'un homme qui a tout, pour lequel tout va bien et qui, tout à coup, se rend compte qu'il n'est pas ce qu'il croit être. Qu'il peut tout perdre d'une minute à l'autre. N'être plus rien. L'autre aspect passionnant de cette affaire, c'est qu'elle ne finit jamais. Après la fin du cauchemar de la captivité, c'est le cauchemar du retour. La façon dont le baron Empain était très impressionnante."
Lucas Belvaux évoque la performance physique d'Yvan et sa place particulière au sein du casting : "Yvan joue un personnage singulier, quelqu'un de très seul, et Yvan porte en lui cette sorte de mélancolie solitaire (...) Le travail physique qu'il a fourni est quand même extrêmement lourd à assumer. Cétait vraiment très très dur pour lui et malgré ça il ne nous l'a jamais fait sentir, ni à moi, ni à l'équipe. Il a pris sur lui cette dureté physique (...). Il y a un engagement tel de sa part que c'est vraiment formidable. Il a un statut à part dans la distribution. Il est le personnage "seul", il y a comme un mur entre lui et les autres, physique pendant la séquestration, invisible le reste du temps, ce qu'il est, puis ce qu'il a vécu, son expérience, le coupe du reste du monde (...) Chaque séquence où il était s'organisait autour de lui, le personnage, mais aussi l'acteur."
Yvan Attal a perdu 20 kilos pour les besoins du rôle. L'acteur revient sur cette expérience éprouvante : "J'ai perdu mes kilos en deux mois. Bien qu'étant suivi médicalement, je me suis rendu compte que, dans ma vie de tous les jours, je n'avais plus aucune énergie (...) Je pesais 53 kilos, la dernière fois que cela m'était arrivé je devais avoir 14 ans. Pendant ce type de régime, vous vous isolez. Vous pesez chaque aliment, vous ne sortez plus, vous mangez tout seul parce que vous évitez d'avoir des envies alimentaires face aux repas des autres y compris avec vos enfants. Je ne cuisine pas mais je me suis mis à préparer mes repas et à faire mes courses moi-même. Je devenais très pointilleux, un peu chiant, j'étais irrité pour n'importe quel motif parce que je ne mangeais pas assez."
Le précédent long métrage de Lucas Belvaux, La Raison du Plus Faible, était déjà inspiré d'un fait divers. Et entre ces deux films, lé réalisateur a signé pour la télévision une fiction sur l'affaire Elf, intitulée Les Prédateurs.
Si l'enlèvement de Stanislas Graff présente bien des similitudes avec l'affaire Empain (du doigt sectionné aux rumeurs de faux enlèvement), Lucas Belvaux a souhaité transposer cette histoire à notre époque, plutôt que d'avoir recours à une reconstitution. "D'abord pour des raisons budgétaires", explique-t-il. "En la situant aujourd'hui, ça recentre l'histoire sur son sujet, sur ce qui m'intéressait (comment vit-on une épreuve comme celle-là ?) sans que la reconstitution fasse écran entre le spectateur et le sujet (...) Ensuite, ça me permettait de me libérer un peu des gens qui ont vécu cette histoire. Ce n'est plus l'histoire du baron Empain, mais celle du président Graff. Même si je sais que tout le monde y pensera et que j'ai une responsabilité par rapport à lui, à sa famille."
Yvan Attal raconte comment il perçoit son personnage : "C'est quelqu'un qui est sûr de lui, assez naturellement arrogant. Il est né dans une famille où il y a de l'argent. Il est dans une position qui lui permet d'avoir du pouvoir, d'en abuser parfois (...) et malgré tous ces secrets, je pense que c'est tout de même quelqu'un de digne. Il ne s'écroule pas. C'est un homme qui porte en lui une certaine force, et même un sens moral. Ca ne l'empêche pas d'être humain, d'avoir peur en détention (...) il ne craque pas devant ses ravisseurs, il est capable de leur parler, et lorsqu'il sort, il continue à être lui-même, à se battre (...) La seule chose qui l'ébranle, c'est sa famille. Il réalise ce qu'est sa vie dans sa totalité et le mal que, tout à coup, il lui fait. Il a une responsabilité. C'est ce qui m'a ému dans le film, plus que la détention, partie intéressante phyiquement pour un acteur, mais moins bouleversante que ce que l'on peut appeler : le retour parmi les siens."
Yvan Attal confie avoir été marqué par le tournage des scènes de détention : "Quand on tournait en Belgique, j'étais encore contraint avec le régime de manger seul, sans l'équipe.Le soir, je rentrais dans ma chambre d'hôtel et je me faisais à manger. Ca ne m'était jamais arrivé. D'habitude, je dine ou je bois un verre avec tout le monde, là, ce n'était pas possible. J'arrivais épuisé, je rentrais, je cuisais 50 grammes de riz, des courgettes à la vapeur et j'allais me coucher. Tout ça vous met dans un état spécial, vous ne voyez personne, et puis tous les jorus vous retournez sur le tournage. Vous êtes dans une cave, on vous met des chaînes autour du cou, au bout d'un moment c'ets psychologiquement malaisant, épuisant. Quand l'accessoiriste parfois venait pour m'attacher, j'avais la sensation palpable d'à peine effleurer le calvaire de ce que cela a pu être."
Lucas Belvaux revient sur certains commentaires faits à l'époque à propos du Baron Empain : "Je pensais (...) à tout ce qui s'est écrit dans la presse de l'époque, il y a une sorte de ricanement qui transpirait des articles, un sentiment qui pourrait se réusmer à un : "il l'a bien cherché". Il y aurait les mêmes écrits encore aujourd'hui, je pense. Comment peut-on penser à propos d'un otage : il l'a bien cherché ? (...) C'est pour ça que je voulais que le personnage de Graff ne soit ni sympathique, ni particulièrement antipathique, et qu'il était important de prendre une victime come celle-ci, de cette origine et aisance sociale-là. Pour montrer la monstruosité de ce raisonnement (...) Est-ce qu'effectivement "il l'a bien cherché" ? Non. On ne coupe pas le doigt d'un homme, sous aucun prétexte. C'est de la barbarie absolue. Et ça au tournage on le ressentait très fort. L'ambiance s'alourdissait dès qu'il fallait enchaîner Yvan."
Lucas Belvaux justifie ses choix de mise en scène : "C'est un film relativement stylisé. Je n'avais pas envie de restituer cette histoire de façon naturaliste, de rentrer dans ce concret-là. C'est pour cela que, dans la partie sur la détention, je ne me suis pas attardé sur les détails sordides des conditions de viede l'otage. Ce n'était pas le traitement du film que je cherchais."
A propos du traitement réservé aux ravisseurs, Lucas Belvaux note : "Ils ne sont pas sympathiques. Leur seul but est de s'enrichir. Ils ont un goût certain pour la violence et le pouvoir. Donc ces personnages-là je n'ai aucune volonté de les glorifier. Pour moi, ils incarnent l'essence du fascisme, c'est-à-dire un être qui en domine un autre et qui en fait ce qu'il veut. C'est la négation de l'être humain. Après, ils ont tous leur personnalité, ce qui était intéressant à travailler."
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