Andrea Arnold est "space", d'une part parce qu'elle est anglaise, impardonnable, et d'autre part, son court-métrage "Wasp" cernant les sous-prolos de banlieues anglaises dans un homérique quotidien tragique inepte, cadrait déjà mal avec sa silhouette de grande blonde épanouie dont les principaux soucis se doivent être d'ordre domestiques, la couleur de la housse de couette, etc, mais n'en demeurait pas moins un des courts les plus extraordinaires de ces-dernières années à ne pas louper sur youtube. Son "Red Road" la révélait fasciné par les névroses sexuelles, en bonne bourgeoise, et par la détresse de la solitude urbaine, survivre et c'est tout, avec pas cher, et zéro sens de vie, même pas de néons consuméristes des vitrines de boutiques inutiles, quant à l'âme soeur... Même pas d'apparences à la "Desperate housewives": du moche et du sale, du vrai. En plus la coquine se gratifiait d'une morale, sur la vengeance, l'auto-destruction, et le pardon: mon fusil à pompe n'y fut que moyennement sensible mais mon estomac un peu tendu et retourné. Son "Fish Thank" grâce à des acteurs particulièrement solaires sortait de cette austérité rêche pour filmer dans une sorte de ralenti à vitesse réelle la lente destruction d'une âme adolescente, mais en un abîme normal, une initiation de masse version banlieue béton, avec un faux happy end bien foireux pour se foutre encore plus de nos gueules. Ce "Hurlevent" sorti bien tard sous nos cieux est un faux cousin de "Jane Eyre". Ici point d'amour. Beaucoup de folie. Levure tsunami de frustrations. Misère affective happant jusqu'au feu carbonisant du noyau terrestre. Asphyxie d'impasses existentielles. Et pourtant ça reste de l'amour, car Une histoire d'Amour. En effet on a qu'une vie, et nos actes ont des conséquences. A l'époque point de télé dans le salon, l'expression soirée au coin du feu retrouve toute sa valeur. Et du temps... Et qu'en faire? Et du vent... La nuit qui claque le volet. Le jour qui siffle entre les oreilles. Le film possède une réelle épaisseur scénaristique et chemine le long de son sentier escarpé en évitant soigneusement les écueils. Oh ça trébuche parfois, avec quelques facilités de raccords d'image entre un gros plan et un plan large, pour filmer une forme similaire dans chacun des deux, et on a envie de lui dire "Andrea poursuis ta route, et arrête ton trip de poète(esse) t'as pas le niveau que tu voudrais apparemment". Et pendant ce temps là l’époustouflant jeu des acteurs, sans fausse note, et avec grâce, et avec horreur dans les défauts des personnages, la qualité d'image d'une précision esthétique qui fait de l'austérité paysagère un lyrisme palpable sur toile d'écran, et l'ensemble de sa mise en scène, nous emportent vers un dénouement à suspense alors qu'on se demandait si l'ennui allait nous assommer en sortant brusquement derrière un arbre. Oui, nom de Dieu, c'est beau. Alors le fond? L'Histoire? Andrea es-tu toujours la même branque anglaise? Oui. Trois fois oui, et plus encore... "Hurlevent" est une ode à l'innocence morbide, un hymne à la cruauté des enfants, rehaussée par les névroses de leurs parents, perdurant dans les adultes qu'ils sont devenus. La symbiose entre acteurs, paysage, et développement des faits, pourtant, s'imprime durablement dans nos (mes) rétines, jusque bien après, jusqu'à imprégner l'air froid de ce début d'hiver, soulevant le ciel gris de son infinie fidélité, par le vent de cet irascible amour. Mortifère comme la dureté des évènements, Andrea est complètement tarée, et moi aussi. "Hurlevent" est somptueux.