Le roman d'Emily Brontë compte parmi les chefs d'oeuvres de la littérature anglaise. Rien qu'à voir la bande annonce du film de Wiliam Wyler, réalisateur d'une des versions les plus estimées, on comprend que l'esprit du roman ne sera en rien transposé, que l'objectif est de créer un spectacle romantique grandiose à même de faire éclater au grand jour la prédominance de l’œuvre de Brontë. La version 2012 n'a rien de spectaculaire, si ce ne sont les magnifiques images de la nature omniprésente. C'est un film intimiste, dur, bouleversant. Le but d'Andrea Arnold n'était pas de reproduire formellement le roman, mais de nous en faire ressentir les émotions. Ce qui constitue une approche différente même de celle de Brontë, qui s'acharne sur des pages et des pages à nous faire les faire comprendre. Chaque pari artistique a sa valeur, et le support qui leur sert de matériau de base leur va à ravir. L'âpreté des images taillées dans le vif des regards heurtent abruptement notre sensibilité, la mise en scène quasi documentaire accentue la violence des silence, des non dits. En filmant une foultitude de petit détails d'ordre matériel, tel des oiseaux pendus, des papillons, des chiens, Andrea Arnold crée une atmosphère crue et réaliste, aussi déprimante et difficile à supporter que les conditions de vie d'époque. L'environnement joue un rôle clé : les étendues sauvages représentent tout pour ce petit univers clos. Le cœur des protagoniste est modelé au gré des vents soufflants, des brouillards impénétrables, des sables mouvants noirs ténèbres. Heathcliff est un noir, c'est une audacieuse tentative de moderniser son œuvre. Les dialogues épurés ont également contribuer à l'actualisation des Hauts de Hurlevent. Les personnages s'expriment davantage comme aujourd'hui, cela se ressent aussi dans leurs mouvements, leur gestuelle. Bien sûr il s'agit d'une histoire intemporelle, et cet essai de modernisation prenait le risque de n'en garder que l'infime superficialité. Mais la réalisatrice s'en tire brillamment, et la vision du film porte à croire que toutes ses ambitions ont été atteintes. Donc le film est très réussi au niveau de tout ce qu'il vise. Le point noir, à mes yeux, est une question de goût. C'est peut-être une des meilleures adaptations, unique en son genre en tout cas, mais personnellement j'aurais préféré une plastique davantage travaillé, une caméra lente et gracieuse emballant des plans gigantesque de lande battues par la brume, et pas ces incessants tremblotements qui m'énervent plus qu'autre chose. Par ailleurs il y a des coupes du texte original, plutôt judicieuses, mais qui déplairons, de toute évidence. Un parti pris assumé et mené à bien jusqu'au bout, mais qui à la base ne me plaît pas complètement. Le tour de force eut été de combiner ce chaos éreintant à un emballage cinématographique, ces deux points étant en contradiction l'un envers l'autre, la tâche se serait révélée beaucoup plus ardue...