Génial! S'il met du temps à démarrer, «Achille et la Tortue» explose soudainement pour notre plus grand bonheur! Kitano s'attarde sur l'histoire d'un artiste peintre, de son enfance précoce à la fin de sa vie tumultueuse. Autour de ce héros absorbé par son art gravitent des tas d'autres personnages qui vont peu à peu le façonner et modifier sa perception de lui-même et de sa peinture. On retrouve comme toujours chez le japonais cet humour décalé qui lui est si particulier, souvent excessif, tantôt naïf tantôt noir et cynique, cette attirance/répulsion pour la mort, son goût pour l'économie de la parole, mais surtout ses magnifiques toiles. Plus qu'un récit semi-autobiographique, «Achille et la Tortue» constitue une profonde réflexion sur l'art et l'artiste, illustrée d'une exquise façon! Si sa maîtrise de l'essence même du cinématographe a été auparavant plus impressionnante, en revanche la diversité de la mise en scène, les nombreuse ruptures de rythme et de ton, la subtilité du propos sont plus que jamais éblouissantes. Avec humour et pertinence, Kitano réfléchit à ce qu'est l'art, à ses aspects matériels et immatériels, à son coût, son prix, aux contradictions de l'art contemporain, etc. tout en s'interrogeant sur ce qu'est un artiste, sur sa responsabilité, sur sa place dans la société, et bien plus encore. Des questions les plus simples aux plus complexes, nombre d'entre elles sont abordées avec une aisance et un naturel déconcertant, la plupart du temps avec une mise en situation réjouissante. C'est aussi la plongée dans l'inconscient d'un homme qui toute sa vie va chercher à s'accomplir, à réaliser ce pourquoi il s'estime « fait », seul contre tous (ou presque), pour le meilleur et pour le pire. Cet homme c'est tout autant nous que Kitano. Et sa réussite est indéniable, il parvient à nous émouvoir par sa sincérité, son regard lucide (désenchanté et enthousiaste à la fois) sur la vie et l'universalité de son approche. [3/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/