GOMORRA, dans son style, semble réinventer le film de genre, adoptant un style nerveux ainsi qu'un prodigieux sens du récit qui démystifie totalement les grands classiques, auquel il rend hommage autant qu'il les renierait presque. Pour ce qu'il en est de son propos, le GOMORRA de Garrone semble avoir puisé dans une impressionnante ressource d'informations en se basant sur le livre de Roberto Saviano : il est brillamment documenté, extrêmement bien exploité ; l'intelligente complexité de son scénario extraordinaire se traduit à travers la contenance de plusieurs récits, eux-mêmes constituant plusieurs degrés d'une grande dimension dramatique et politique, soutenue par une tension constante et des ficelles narratives savamment étudiées. Matteo Garrone n'use pas de fioritures pour mettre en scène son propos, mais il nous offre néanmoins une grande leçon de mise en scène à travers des séquences magnifiquement filmées et des plans mémorables. La durée de 2h15 pourra paraître conséquente ; elle est en réalité bien courte pour contenir un tel récit, et qui nécessite sans doute plusieurs visionnages avant de trouver un fil directeur qui apparaisse comme une évidence, ainsi que pour saisir pleinement l'impact d'un tel traitement narratif, ainsi que sa densité. Personnages ou spectateurs, personne n'en ressortira indemnes. Et si c'est certes au détriment de quelques favoris de la compétition que GOMORRA s'est vu couronné Grand Prix, ce n'est cependant en aucun cas une injustice.