Le cinéma américain a toujours su attirer à lui des réalisateurs de tous les pays. D'abord terre de refuge pour les Lubitsch, Curtiz ou Von Stoheim, Hollywood est devenu pour des Paul Verhoven, Sam Mendes, Ang Lee ou John Woo une garantie d'accès à un public mondial. Curieusement, peu de réalisateurs français ont tenté l'aventure américaine, et ils sont encore moins nombreux à y avoir rencontré un succès durable, les derniers échecs notables étant ceuxs de Costa-Gavaras, Kassovitz et Tavernier.
Barrage de la langue ou incompatibilité génétique du cinéma d'auteur avec le fonctionnement des majors, les rares réussites sont à mettre au crédit de réalisateurs mineurs qui ont mis toute leur énergie à faire plus américain que loe modèle, comme Jean-François Richet ou Pierre Morel. Toujours est-il qu'auréoléde sa réputation toute neuve de faiseur d'oscar avec "La Môme", Olivier Dahan est parvenu à attirer des habitués des Academy Awards tels que Forest Whitaker, Renée Zellweger et Nick Nolte.
On peut comprendre ce qui a séduit celui qui a reçu la statuette pour son incarnation de Idi Amin Dada dans "Le Dernier Roi d'Ecosse" dans ce road movie mettant aux prises deux éclopés de la vie. L'histoire du cinéma U.S. est jalonnée de ces performances : Dustin Hoffman dans "Tootsie" et "Rain Man", Daniel Day-Lewis dans "My Left Foot " ou Tom Hanks dans "Forrest Gump".
La (bonne) surprise de ce film vient de la relative sobriété de la réalisation : Olivier Dahan n'a pas cherché à en mettre plein la vue avec caméra virevoltante et effets spéciaux hype, bien au contraire. Il a ainsi choisi de filmer ses personnages en plan serré, pour évoquer l'enfermement de Jane dans son corps et celui de Joey dans son crâne, et de privilégier le hors champ, comme dans la scène où Jane reçoit les applaudissements, là où tout bon cinéaste américain aurait insisté à coup de ralentis sur la standing ovation.
Il a eu aussi le culot de filmer la poursuite en voiture la moins compréhensible et la plus intériorisée de l'histoire du cinéma en ayant recours au split screen psychédélique, et il a truffé son récit de petites parenthèses narratives élégantes, comme cette histoire du bluesman noir qui rencontra le diable filmée en rouge et bleu comme dans "Le Petit Poucet" dans une ambiance qui rappelle la fuite en bateau de "La Nuit du Chasseur", ou cet échange muet et burlesque entre Joey et Billie derrière une vitre dépolie.
Malheureusement, il n'a pas fait preuve de la même sobriété dans l'écriture du scénario, et le récit toujours sur le fil du rasoir du mélo larmoyant alterne petits moments de grâce et lourdes fautes de goût, comme les retrouvailles de Jane et de son fils. A signaler, la musique du film signée Bob Dylan, et une version de "This Land is Your land" de Woodie Guthrie chantée par Renée Zellweger.
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