Avec Erreur de la banque en votre faveur, Michel Munz et Gérard Bitton retrouvent le thème prépondérant de leurs comédies, la force de la solidarité contre le pouvoir de l'argent. "Pour nous, l'argent peut être une prodigieuse matrice de comédie, expliquent les réalisateurs. La thématique de l'argent évolue selon les époques. Lorsque nous avons écrit La Vérité si je mens, l'argent était alors un sujet tabou. Les gens entretenaient un rapport pudique, hypocrite à l'argent. Nous avons eu envie de nous arrêter sur une communauté qui a une relation décomplexée, voire parfois ludique à l'argent. Puis, avec Ah ! si j'étais riche, nous avons creusé l'idée que, pour le plus grand nombre, le travail, les salaires ne suffisant plus pour s'en sortir, le loto prétendait remplacer trivialement "la lutte des classes". Mais aussi, nous voulions montrer qu'avec parfois un coup de chance, toutes les perspectives ordinaires de l'existence pouvaient converger vers un réenchantement du quotidien, du monde, de la vie. Il y a maintenant deux ans, nous nous sommes intéressés à l'univers des banques en pressentant qu'il s'y passait quelque chose de décisif, la formation d'un nuage sombre lourd de menaces. Ces prédictions ne demandaient aucun talent d'oracle tant il était évident pour tous les acteurs de la scène financière que la bulle allait exploser. Ce qui les a pris de court, c'est la vitesse et l'ampleur du désastre, pas son avènement."
Au-delà de la thématique de l'argent, l'amitié est l'autre axe essentiel autour duquel Gérard Bitton et Michel Munz ont écrit le scénario de Erreur de la banque. "Julien et Étienne sont amis depuis longtemps, racontent-ils, mais Étienne reproche à Julien d'avoir d'une certaine façon trahi son appartenance sociale, de parler le langage ampoulé de ses patrons. Il y a un double mouvement des personnages dans le film, Julien est dans un premier temps psychorigide, un peu réac alors qu'Etienne, taxé d'être communiste par Julien, est plutôt revendicatif. A mesure que l'argent s'impose dans leur relation, Etienne se montre de plus en plus avide et Julien se détourne de cette facilité. Cette distance manque d'engendrer une vraie rupture entre eux. Au bout du compte, leur amitié se révèle assez solide et puissante pour résister aux sirènes de l'argent, à l'acide de la cupidité."
Pour écrire le scénario, Michel Munz et Gérard Bitton ont d'abord observé les grandes banques d'affaires puis l'univers des petites agences de quartier. Le contraste entre ces deux types de banques, de banquiers et de clientèles leur a alors paru prometteur, riche de situations comiques. "Nous avons voulu décrire, de la manière la plus drôle possible, les deux façons opposées dont l'argent circule, en fonction de la cupidité ou de la générosité de chacun, expliquent les réalisateurs. Dans la tradition des luttes ouvrières et jusqu'aux années 70 environ, le banquier, avec son melon et son cigare, son ample pelisse, était présenté comme la figure emblématique du capitalisme dur contre laquelle il fallait lutter. Et puis, soudainement, par enchantement, il a disparu du paysage, pour devenir un acteur quasi anonyme de l'économie dont nous nous sommes mis à ignorer les responsabilités alors qu'elles sont essentielles et s'inscrivent au coeur de la faillite économique et sociale de notre époque. Nous avions entendu un banquier prétendre que l'argent ne sert qu'à faire de l'argent, phrase que nous avons reprise dans le film."
Sur ce troisième film réalisé en commun, Gérard Bitton et Michel Munz déclarent s'être sentis plus sereins que sur leurs précédentes comédies, avoir eu la sensation de mieux maîtriser cette nouvelle aventure et du coup d'en avoir tiré plus de plaisir. "Nous sommes dans la même dynamique, la même logique, expliquent-ils. Nous avons écrit le scénario ensemble, c'est donc très rare que nous n'ayons pas la même vision du film, d'une séquence. Ce qui nous aide pour écrire, pour avancer, c'est, premièrement, de repérer un aspect qui nous semble particulièrement saillant de la société dans laquelle nous sommes, un phénomène, qui à nos yeux, combine une sorte d'intérêt général avec un fort potentiel comique. Alors peuvent, petit à petit, émerger les personnages de l'histoire, une ambiance, des décors... C'est assez jubilatoire de tenter de décrire des personnages, une situation en jouant aussi sur les dialogues. Nous aimions les personnages qui cherchent une seconde chance. Ces postulats posés, nous pouvons dériver, installer une tonalité plus comique et ainsi contourner le premier degré du sujet afin de ne pas nous montrer trop manichéens."
Sur le tournage, les réalisateurs prenaient la mise en scène un jour sur deux, et celui qui dirigeait se reposait sur l'autre qui l'assistait au premier rang, s'appuyait sur son regard, son écoute. "Celui qui est derrière le combo est forcément plus serein, il peut avoir plus de recul, une vision plus pertinente de certains détails, car il est, ce jour là, moins stressé, confient-ils. C'est un soutien de premier ordre pour le metteur en scène du jour."
Michel Munz et Gérard Bitton ont eu l'idée du personnage joué par Gérard Lanvin au terme d'une rencontre avec un banquier qui les a invités à déjeuner et les a fait pénétrer pour l'occasion dans un salon privé, derrière les guichets. "Là, un repas nous a été servi par un maître d'hôtel stylé, dévoué au service des grands clients, se souviennent-ils. Un personnage fascinant. Il côtoyait ce milieu depuis des années, mais les conversations s'arrêtaient dès qu'il entrait dans la pièce. Il nous est apparu que ce personnage pouvait être le pilier d'une histoire d'initiés, à la fois au coeur de cet univers secret et en même temps totalement étranger."
Après en avoir rencontré plusieurs, les deux réalisateurs ont souhaité montrer le rapport mimétique qui s'instaure parfois entre de tels serviteurs et leur patron. "Ce sont des gens qui considèrent leur patron avec le plus grand respect, en parlent comme d'un ami, allant jusqu'à éprouver le sentiment d'appartenir à la famille, commentent-ils. Ces employés étaient pour nous des énigmes. Songez qu'ils fréquentent des grands banquiers, aristocrates de la finance internationale qui tirent les ficelles d'affaires terriblement juteuses, et se contentent d'un salaire plutôt modeste."
Cela faisait plusieurs années que Gérard Bitton et Michel Munz avaient envie de travailler avec Gérard Lanvin, mais ils n'avaient jamais eu la chance de pouvoir le contacter avant ce film. "Ce fut un réel plaisir de le guider, de le diriger, c'est un comédien qui invente, propose et tente des choses, racontent-ils à son sujet. Il est surprenant, et il a apporté de riches nuances au personnage de Julien, que nous n'avions pas toujours perçues lors du tournage et dont nous avons découvert la pertinence lors du montage. Il a vraiment nourri son personnage de ces petites couleurs drôles ou émouvantes. Il sait s'approprier une séquence avec sobriété tout en ayant un vrai sens de la comédie et en se saisissant de manière jubilatoire de certains rebondissements."
Les réalisateurs Gérard Bitton et Michel Munz retrouvent dans ce film Jean-Pierre Darroussin qu'ils avaient dirigé dans la comédie Ah ! si j'étais riche en 2002. Autres retrouvailles, celles de Gérard Lanvin avec Jean-Pierre Darroussin vingt ans après Mes meilleurs copains en 1989.