Propriété interdite : les secrets du tournage

A l'origine, le projet s'intitulait Els et devait être interprété par la comédienne Claude Perron.

Après avoir déjà abordé à plusieurs reprises le thème de la peur dans ses films précédents (Peau d'homme, coeur de bete, Rencontre avec le dragon), la réalisatrice Hélène Angel rentre dans le vif du sujet avec Propriété interdite, que l'on peut qualifier de film d'horreur : "J’avais envie d’un film de série B, un film de genre, tourné rapidement. Le cinéma fantastique ou d’horreur travaille nos pulsions, il m’a toujours intéressée," explique-t-elle.

Hélène Angel et son équipe se sont employés à reproduire les codes qui sont ceux de l'angoisse et de l'horreur au cinéma. "A l’écriture, au montage avec Yann Dedet, on s’est posé sans cesse la question des fausses pistes, des codes narratifs du suspense. Il a bien fallu réviser notre Hitchcock : (...) C’est passionnant, on touche au fondement même du cinéma : le doute et la croyance", explique la réalisatrice.

Propriété interdite marque la deuxième collaboration de la réalisatrice Hélène Angel et de l'actrice Valérie Bonneton, après le court métrage La Vie parisienne (1995). Il s'agit également des retrouvailles à l'écran de Valérie Bonneton et de Charles Berling, qui s'étaient déjà donnés la réplique dans L' Heure d'été d' Olivier Assayas (2008).

Les deux acteurs, chacun unique dans son jeu, ont réellement su incarner l'image du couple qui était dans le scénario, comme l'explique la réalisatrice : "Berling « assure » comme on dit, il est beau, carré, urbain. Bonneton paraît plus fragile. Même dans la comédie, où elle excelle, c’est son côté lunaire et décalé qui nous touche. En tant qu’acteur, Charles aime « fabriquer », composer, alors que Valérie est plus émotive… ça m’a plu, c’est vraiment le couple !"

Pour évoquer visuellement la menace et le doute qui pèse sur les personnages, la façon de filmer d'Hélène Angel donne l'impression que la maison est constamment observée de loin. De même, chaque membre du couple semble être en permanence vu par l'autre. "C’est un truc classique de la peur et qui convient bien à l’idée du couple, où on ne cesse de s’épier, sans réellement réussir à savoir qui est l’autre", explique-t-elle.

La chef décoratrice Katia Wyszkop a fait en sorte que la maison soit la personnalisation de Michel, le défunt frère de Claire. Le bâtiment évoque ainsi une sorte de folie. Conçu par étages, il représente la psyché humaine. " (...) en haut la moquette, avec ses motifs géométriques, hypnotiques à la Vasarely, comme un état mental obsessionnel, qui veut tout maîtriser. En dessous, l’organique - salon, cuisine - et puis la cave…," explique Hélène Angel.

Le trou sous la maison, très important symboliquement, a été réalisé en studio. La réalisatrice a dit regretter de ne pas avoir pu le filmer en coupe franche, façon Fantastic Mr. Fox. "C’est un trou noir, chacun y mettra ses propres angoisses ! (...) Sur le plateau, on ne cessait de plaisanter sur sa dimension sexuelle. (...) Il ramène les personnages à quelque chose de très primitif, animal, il leur permet de « passer de l’autre côté »," explique Hélène Angel.

Propriété interdite, film d'angoisse avant tout, garde tout de même une certaine dimension humoristique. "J’aime bien passer de la peur au rire, j’aime bien le grotesque : un portable qui sonne au fond d’un trou, un personnage qui, dans cette situation cauchemardesque, regrette de ne pouvoir accéder à ses mails, ça m’amuse !," raconte la réalisatrice.

spoiler: - Spoiler :Le personnage de l'étranger, qui est gitan, apporte au film une dimension politique. "La peur a toujours une dimension politique (...) L’arrivée de Vasil Vivitz Grecu, qui joue l’étranger, est comme une irruption documentaire dans un univers clos, et je voulais qu’on le voie dans la camionnette, à la fin, pour bien dire que la vraie horreur, c’est lui qui la vit. Les événements de l’été nous ont, hélas, donné raison...," explique Hélène Angel - .