Ici, Kad Merad interprète pour la première fois de sa carrière un "méchant" de cinéma. « Je préférais prendre un acteur avec une allure de mec sympa et le pousser vers la folie plutôt que de choisir une gueule de méchant à qui j’allais essayer de donner une épaisseur humaine, raconte Richard Berry. C’est vraiment très intéressant de décrire toutes ces phases dans une même personne. Où on peut croire une seconde qu’on aurait pu être pote avec lui avant, et que l’instant suivant, il nous terrorise. Kad était vraiment la personne adéquate pour jouer cette diversité de sentiments. »
Jean Reno était là dès l’origine du projet. « Après Moi César, 10 ans 1/2, 1,39 m…, il a été l’un des premiers à me demander de faire un film avec lui, raconte Richard Berry. Mais dans ma manière de fonctionner, je ne sais pas écrire pour quelqu’un. Il faut que le sujet que j’ai dans la tête colle avec la personne. Or, je n’avais rien en tête qui collait avec Jean. Je me suis un moment embarqué sur l’adaptation de La Petite fille de Mr Linh qui ne s’est malheureusement pas montée. Et puis quand est arrivée cette histoire d’Immortel, j’ai tout de suite pensé que ça pouvait être un personnage pour Jean. Parce qu’il a l’humanité de celui qui est dans la rédemption et qu’on peut croire d’emblée que, dans le passé, il a pu être un grand voyou. Jean possède cette épaisseur humaine chargée d’histoire et cette force potentiellement très dangereuse. Une force tranquille. »
Richard Berry explique sa façon de travailler avec les acteurs, une fois le casting terminé : « Avant le tournage, je fais des lectures avec tout le monde. Et, une fois sur le plateau, je prends le temps de répéter avec eux pendant que mon équipe technique installe le plan : comme j’ai énormément préparé et que mon découpage est fait, elle sait avec précision ce qu’elle a à faire et je peux me concentrer sur le travail avec mes comédiens. Ensuite, je suis le plus souvent possible derrière la caméra. Je suis en direct avec mes acteurs. Ils savent qu’avec moi, il faut savoir le texte au cordeau. Je ne veux pas d’hésitation entre les mots, parce qu’ils ne savent pas précisément ce qu’ils ont à dire. Je les dirige énormément. J’aime les pousser dans leur retranchement pour obtenir le meilleur d’eux. Pour la scène entre Jean Reno et Marina Foïs où il la supplie de l’aider, j’ai pris la tête à Jean pendant des semaines en amont. Je me suis focalisé sur lui, car je voulais qu’il soit comme un diamant qu’on allait épurer au fil des prises. Je n’ai pas cessé de lui demander d’aller chercher plus loin. »
Pour Richard Berry, ce film se devait d’être à la fois vrai et efficace. Sans faire abstraction de son approche esthétique, le comédien-cinéaste a un peu rallongé ses focales pour ramener du réalisme et a beaucoup travaillé avec le « shutter à 45° » - l’obturateur de la caméra est plus fermé que normalement - comme dans la séquence du kidnapping en pleine rue qui donne cet aspect d’images volées, vraies et l’impression de panique pour le spectateur. « Mon seul but était d’être juste avec chaque scène que je racontais, pas de faire des effets spectaculaires pour des effets, raconte Richard Berry. Dans ce film, il n’y a quasiment pas de plan fixe, je suis toujours en mouvement, même très léger, un court travelling latéral, un push in ou un mouvement de grue. »
Après avoir un temps songé à travailler avec le compositeur James Newton Howard, Richard Berry s’est finalement tourné vers Klaus Badelt pour lui confier la musique de L’Immortel. « On m’a conseillé d’écouter la musique qu’il a composée pour Pour elle, se souvient le comédien-cinéaste. C’est minimaliste mais très beau et très pur. Mais j’aime aussi quand il fait des choses plus flamboyantes comme Pirates des Caraïbes : Jusqu'au Bout du Monde. Et puis on m’a appris que Klaus Badelt était exceptionnellement à Paris. Je l’ai donc rencontré, je lui ai montré le film. Et j’ai eu le bonheur inouï et le choc de l’entendre me dire : « c’est moi qui vous demande de faire votre film. J’adore ! ». Quand quelqu’un de son talent vous envoie des mails et vous rappelle pour vous dire qu’il est fan et qu’il sent qu’il pourrait faire un travail formidable sur le film, j’ai évidemment craqué pour lui ! Et il n’avait pas menti : il m’a vraiment créé quelque chose d’exceptionnel ! On a enregistré à Abbey Road avec des cordes magnifiques. Ce fut un moment merveilleux pour moi. Et là, j’ai compris pourquoi il tenait tant à faire L’Immortel. Il avait ici à la fois l’occasion de faire de la musique flamboyante comme dans Pirates des Caraïbes tout en créant des vraies émotions, des sentiments simples, purs, donc de jouer sur plusieurs tons, comme il en a rarement l’occasion. »
Pour écrire L’Immortel, Richard Berry ne s’est en fait servi que d’une partie du roman et s’est ensuite lancé dans une enquête personnelle. « J’ai rencontré énormément de gens dans la discrétion la plus totale, raconte-t-il. Je suis resté des semaines et des semaines sur place et de fil en aiguille, j’ai rencontré madame untel qui m’a aiguillé sur monsieur untel… Des rendez-vous discrets dans des cafés où on m’a raconté des détails qui ont nourri l’adaptation ou permis de construire certains personnages. »
L’Immortel est l’adaptation du roman homonyme de Franz-Olivier Giesbert qui s’inspire lui-même de la guerre des gangs que se livrèrent à la fin des années 70 Jacques Imbert, dit Jacky Le Mat, dernier parrain du milieu marseillais, et son ennemi juré Tany Zampa. Comme dans le film, Jacky survécut miraculeusement à l'attentat dont il fut victime sur un parking de Cassis en 1977, ce dernier étant laissé pour mort par Tany Zampa avec 22 balles dans le corps.