Chaplin : du rire aux larmes : les secrets du tournage

The Kid marque un tournant important dans l'oeuvre et la vie de Charles Chaplin. Il a déjà trente ans et le sentiment qu'il est arrivé au bout d'une première étape de son oeuvre, lorsqu'il entreprend dans l'urgence, en 1919, ce court-métrage qui va devenir un long. Il est aussi marqué par sa rencontre avec le jeune prodige Jackie Coogan, qui lui redonne le goût de la création. Chaplin entreprend son travail sur The Kid après la mort de son premier enfant, qui n'aura vécu que trois jours. Le sujet même du film -les relations d'un enfant avec son père adoptif, dans un quartier pauvre où ils vivent dans un taudis- entraîne Chaplin dans un double mouvement de travail de deuil et de retour autobiographique sur son enfance très pauvre à Londres.

Le fils de Charles Chaplin, Charles Chaplin Jr, a déclaré à propos de son père et de son personnage du Kid : "son personnage ne fut pas le résultat d'une composition voulue; mon père le trouve au plus profond de lui même. C'était réellement son alter ego : le gosse qui ne grandit jamais, qui est brimé sans cesse, qui a faim, qui a froid, mais qui tient tête au monde".

Le cinéaste aux deux Palmes d'or (Papa est en voyage d'affaires en 1985 et Underground en 1995) revient sur le film de Charles Chaplin qui l'a le plus marqué : Le Cirque. "Le cinéma est avant tout espace. Comment on entre en scène. Comment on quitte une scène. Comment on exécute les détails que le public n'a pas besoin de connaître. " déclare Emir Kusturica. Et il ajoute : " A mon sens, Chaplin inventait la vie, une autre vie. C'est de là que vient le côté "plus vrai que nature" de ses films. ce que cet homme a apporté de plus innovant au cnéma, c'est l'art d'occuper l'espace. Le cinéma d'aujourd'hui, quand je le compare au passé et à ses films, n'a pas besoin des parlants qu'il a fait plus tard. Sa contribution la plus importante, c'est l'art d'occuper l'espace. Jongler dans un cirque, c'est ça le travail d'un cinéaste. On essaye de faire croire à l'incroyable, on essaye de faire entrer le public dans notre univers transcendantal, où l'on jongle avec les éléments qu'on connait. Celui-ci en particulier. On n'explique pas, mais on présente les miracles."

Le cinéaste Burkinabé Idrissa Ouedraogo raconte ses souvenirs sur La ruée vers l'or : " Mes premiers souvenirs de Charlot, cela remonte à très longtemps. Je devais avoir 6 ou 7 ans. Il faut se rappeler qu'à l'époque à Ouahyougouya, le village où j'ai grandi et où j'ai tourné la quasi totalité de mes films, il y avait l'église catholique. Ils projetaient beaucoup de films mais avec le but d'évangéliser les jeunes. Donc les films les plus agréables pour nous, bien sûr, c'étaient les films de Charlot. Ce que l'on retenait le plus, c'était tous les moments de rire, sa démarche un peu bizarre, unique, et aussi que c'était un petit bout d'homme comme nous, un adulte mais en même temps un enfant. Et je pense que c'est ca qui a créé un lien d'affectivité entre moi et Charles Chaplin, et puis tous les gens de mon âge. Parce que dans Charlot, ce sont les sentiments qui sont les plus importants. Et les sentiments sont universels. On ne voit pas de couleur de peau, on ne voit pas de blanc, on voit des émotions".