Sur ta joue ennemie est le premier long métrage de fiction du réalisateur Jean-Xavier de Lestrade. Journaliste de formation, il s'intéresse très tôt aux mécanismes de la société contemporaine et plus particulièrement à la justice. Au travers de nombreux documentaires, il aborde des sujets qui lui tiennent à coeur, souvent difficiles à traiter tels que le crime sexuel ou l'inceste. En 2003, Un Coupable idéal, consacré aux préjugés raciaux et au système judiciaire (et pénitentiaire) américain l'impose comme un documentariste de premier plan, et lui permet de gagner la reconnaissance publique. Ce premier long métrage de fiction est donc l'occasion pour le réalisateur de traiter un thème qui lui est cher, l'incarcération.
Jean-Xavier de Lestrade s'est inspiré pour son film d'un fait divers qui s'est déroulé en Normandie en octobre 2004 : un jeune garçon de 14 ans a tué ses deux parents, son frère et tiré sur sa soeur qui a survécu au drame. Drame qui a inspiré les personnages de Julien (Robinson Stévenin) et Emilie (Fanny Valette). Le réalisateur explique ce qui a motivé son choix : " Dans le cas présent, on touche au mystère, à la complexité de l'homme : entre le comportement "normal" d'une personne et l'acte terrible de ce gamin, la frontière est moins épaisse qu'on peut l'imaginer. Si l'on avait trouvé une ou plusieurs raisons qui éclairent ce drame, je n'aurais jamais fait ce film".
Lorsque le réalisateur a écrit le rôle de Julien, il ne voulait absolument pas envisager Robinson Stévenin en tant qu'acteur: " Je l'avais éliminé de ma première liste de comédiens. Je m'étais dit qu'il était trop jeune, trop singulier. ". Mais Jean-Xavier de Lestrade s'est laissé convaincre par son premier assistant. Un essai et Julien portait le nom de Robinson Stévenin : " C'est devenu une évidence. Il avait ce regard que je voulais, cette capacité à faire surgir inopinément la violence. (...) Robinson est d'une sensibilité à fleur de peau (...) c'est cette intensité dans la retenue qu'il pouvait magnifiquement apporter au rôle (...). "
Jean-Xavier de Lestrade voulait choisir l'interprète d'Emilie en fonction de Julien. Une fois que Robinson Stévenin avait obtenu le rôle, le casting d'Emilie etait ouvert. " J'avais le sentiment qu'il fallait une comédienne solaire, avec une vitalité explosive (...) Fanny correspondait parfaitement à cette idée. Je l'avais vu au théâtre, seule sur scène, jouant plusieurs personnages dans Le Vieux juif blonde. Elle m'avait bluffé par sa présence et son courage. J'avais perçu aussi que, derrière la jeune femme enjouée qu'elle est, se cache une douleur plus profonde qui pouvait lui donner la force et la maturité nécessaires pour devenir l'Emilie que je cherchais. "
Le titre de film Sur ta joue ennemie est en fait tiré d'un poème de Mallarmé, Tristesse d'été. Alors que Julien, au début du film, se plonge dans la philosophie, il préférera à la fin, la poésie. Le titre fait donc référence à l'une des dernières scènes, dans une librairie, où la lecture du poème est pour Julien le symbôle de sa liberté.
Pour construire le rôle et apprivoiser leurs personnages, Fanny Valette et Robinson Stévenin se sont très peu côtoyés avant et pendant le tournage. Selon l'actrice, le but était de " rendre crédible le fait qu'Emilie et Julien ont vécu pendant toutes ces années deux trajectoires radicalement différentes (...) on avait une façon très animale de se comporter, ce qui correspondait parfaitement à la nature des liens entre Emilie et Julien ". Et Robinson d'ajouter " Fanny a raison : on ne se parlait pas ! la dynamique du couple que l'on forme était là (...) Fanny et moi étions finalement dans une complicité...conflictuelle ! "
Fanny Valette, pour mieux saisir son personnage, a rencontré avec Jean-Xavier de Lestrade, des frères et soeurs de schizophrènes, ainsi que des psys et des anciens drogués. Le but était de vraiment cerner les complexités de son personnage. " Nous avons décortiqué chaque scène du scénario, chaque intention et réfléchi à la moindre didascalie ! ".