C'est lors d'une escapade en voiture dans les rues de Miami un après-midi de 1997, que l'écrivain Eric Garcia se surprend à s'interroger sur la notion de propriété et ses conséquences dans les valeurs de chacun, pour une conclusion brutale. "Aujourd'hui, rares sont ceux qui peuvent prétendre "posséder" leur maison par exemple, nous sommes en permanence en train de rembourser quelqu'un. Et pourtant tout est affaire de propriété, comme si la destinée de chacun en dépendait. En orientant cette interrogation sur la santé, il ne fallait alors qu'un pas pour imaginer un futur pas si lointain où les organes mêmes devraient se monnayer". De ce point de départ, il entame alors l'écriture d'un livre, “The Repossession Mambo” et, en collaboration avec Garrett Lerner, s'attèle ensuite à la production d'un scénario, que tous deux n'envisagent alors pas encore de mettre en scène.
De l'aveu des scénaristes, l'histoire initiale était assez éloignée des standards structurels nécessaires à une réalisation digne de ce nom. Mais, poussés par une conviction évidente, ils campent sur leur position à vouloir donner à ce film une empreinte majeure de comédie, même si cela ne convient alors pas aux studios à qui ils le proposent. Garrett Lerner ne veut pas désincarner leur projet : "Dès la lecture du scénario, je voyais le film dans ma tête. Les images mêlaient une force teintée de fraicheur et de légèreté. Une comédie noire dans la lignée de Pulp Fiction et de Fight Club, mais avec une inspiration propre", explique-t-il. La persévérance des deux collaborateurs finit par payer puisqu'à sa lecture, par hasard, la productrice Valerie Dean tombe sous le charme du texte et les contacte. La machine est alors lancée...
Une fois la production sur les rails, il s'agit de trouver le réalisateur qui saurait le mieux mettre à profit cette histoire bien particulière. Valerie Dean pense alors à un jeune inconnu, Miguel Sapochnik, jusque là "simple" auteur de courts-métrages et de clips, mais chez lequel elle voit un univers où la dose de folie et d'humour correspond à merveille au projet. Les auteurs sont convaincus instantanément. La production est terminée au moment où Scott Stuber se lance à son tour dans la bataille et permet de clore le budget.
A la lecture même du scénario, Jude Law est sous le charme, et s'investit alors rapidement dans le projet : "L'originalité m'a immédiatement scotché. J'aimais le mélange d'humour noir et d'histoire d'amour, du "buddy movie" et de la satire, et le challenge en tant qu'acteur était plus que tentant d'essayer de mettre tout ça en place." L'enthousiasme est tel que les auteurs craignent même un moment ne pas être à la hauteur, inquiétude cependant vite dissipée tant le choix paraît évident. Ainsi Stuber d'expliquer : "Nous voulions quelqu'un qui puisse véritablement incarner le côté sombre de Rémy, quelqu'un à la fois imprégné du nihilisme inhérent à ce rôle mais qui puisse également se laisser peu à peu envahir par une sorte de catharsis émotionnelle. Et Jude est l'un des rares à pouvoir développer cette ambivalence, d'autant que lorsqu'on a vu à quel point Jude s'investissait tant à la préparation physique que dans les détails de l'histoire, nous ne pouvions rêver mieux !".
Les organes artificiels qui servent de point de départ au récit sont appelés ici "artifrogs". Précision du réalisateur : "Initialement, ils sont conçus pour répondre au nombre croissant de mutilés que les différentes guerres ont engendrés. Nous avons créé un monde où la technologie a franchi un palier et ces organes, munis de GPS, permettent aux compagnies de maintenir un contrôle permanent". C'est le directeur artistique David Sandefur et le concepteur visuel Andrew Clement qui se sont chargés des différentes étapes nécessaires à la réalisation de ces "pièces" d'un nouveau genre.
L'histoire se passe dans le futur proche d'une ville nord-américaine dont l'évolution a été fulgurante et les changements nombreux. Pour représenter au mieux cet univers, les réalisateurs se sont appuyés sur la ville de Toronto à laquelle ils ont ajouté une forte influence asiatique : "Ce n'est pas tant d'un point de vue physique que cette "invasion" se manifestera mais plus d'un point de vue économique. Le monde serait alors en constante mutation dictée par les exigences des nouveaux "maîtres", exactement comme les Etats-Unis l'ont fait ", raconte Miguel Sapochnik. "Le plus gros défi à la création de ce futur était de conserver un certain esprit authentique tout en exprimant le mieux possible ces changements qui le caractérisent, de trouver le juste milieu", ajoute-t-il.
Pour la costumière Caroline Harris, le défi est complexe puisque le futur proche de l'action implique une certaine "réalité" au sein de laquelle doivent néanmoins s'intégrer des éléments nouveaux. Elle confesse avoir reçu une aide précieuse, celle du réalisateur lui-même : "Miguel est incroyablement instinctif et il avait déjà une vision précise de l'allure développée par ces protagonistes du futur. Bien qu'il s'agisse du futur, les vêtements conservent la fonction que l'on connaît aujourd'hui, mais où la production de masse en provenance de Chine influence toute la population." Si la vie connaît clairement une période sombre, ce n'est pour autant pas visible par les vêtements qu'ils imaginent très colorés, influencés par leur souvenir des réfugiés du Kosovo et de Serbie qui, alors qu'ils avaient vécu les pires horreurs, présentaient une sorte d'uniformité colorée déconcertante.
Comme dans tout film d'action qui se respecte, l'impact des scènes de combat est essentiel à la réussite d'un projet et c'est le chorégraphe spécialisé Hiro Koda (Kill Bill : Volume 1 ou Constantine) qui s'est chargé de développer pour chaque personnage un style propre de combat. Si certains ont vraiment dû batailler, Forest Whitaker, pour le moins expert en la matière ( se rappeler sa performance dans Ghost Dog !), partait de moins loin. Il a même avoué que cela a été l'un des critères les plus déterminants pour jouer ce rôle !