L'écrivain Marc Dugain passe pour la première fois derrière la caméra pour l'adaptation de son propre livre Une execution ordinaire. Cependant, il s'agit uniquement de la première partie de son livre. Comme il l'explique, "le sujet du film ramène aux questions fondamentales que je me pose : qu'est-ce qui fait un dictateur ? La réponse est liée à la psychologie, les grands pervers sont des gens qui ont été brisés par leur père, soit ils ont été abusés, soit ils ont subi d'autres violences, ce qui est le cas de Staline, de Hitler. Lorsque la figure du père est détruite, la notion du bien et du mal est abolie. Il n'y a plus de limite. Le danger lorsqu'on veut représenter un dictateur, c'est de tomber dans la caricature, on en fait la représentation qui nous arrange, une brute épaisse et inculte. Ça ne suffit pas. Ainsi Staline était un homme instruit, il avait fait le séminaire, il avait cette culture orthodoxe de base que l'on décèle dans la manière dont il s'exprime."
Pour Marc Dugain, le choix de l'acteur devant incarner Staline était dès le début une évidence: "J'ai pris des portraits de Staline, j'ai étudié sa morphologie, son regard. Et soudain, c'est devenu une évidence: "Staline, c'est André Dussollier. Il a la structure du visage de Staline et c'est un immense acteur !" L'acteur rajoute: "J'ai répondu : "Vous êtes tombés sur la tête, quelle idée, je ne ressemble en rien à Staline !". Et en même temps, quelque chose en moi disait : "Ce serait un sacré défi tout de même !". J'ai alors précisé au producteur, Jean Louis Livi, que le mieux serait de faire des essais. Ce que nous avons fait dans les meilleures conditions techniques, sans trop appuyer le maquillage, une moustache, une perruque, rien de plus."
L'actrice connait bien le producteur Jean-Louis Livi et le chef opérateur du film Yves Angelo : "Je savais, avant de commencer, qu'il y avait sur ce projet deux hommes pour me rassurer ! Puis j'ai rencontré Marc Dugain , l'importance de l'enjeu m'est apparue, la conscience que j'allais porter la responsabilité d'un rôle très lourd dans un premier film. J'ai l'habitude d'être docile avec les metteurs en scène, Marc Dugain allait-il me diriger, moi qui adore être dirigée ! J'ai été vite fixée. La réponse était oui."
Le problème concernant la voix et la langue dans laquelle devait parler le personnage de Staline fut l'un des points les plus importants comme le rappel Marc Dugain : "D'assez fortes réticences ont été émises par les financiers du film. Je leur ai dit : "Écoutez, quels sont les choix ? On le fait parler russe ? Donc on va le doubler. Mais le public aura une certaine difficulté à aller voir un film français parlant russe doublé ou soustitré. Ou alors vous optez pour l'américain -je peux vous l'écrire en anglais, je suis bilingue- mais je trouve cela catastrophique. Ne voyant pas en quoi la langue américaine est plus appropriée à Staline que la langue française. J'ai conclu : "Arrêtons ce débat qui ne mène à rien. Ou nous serons crédibles, ou nous ne le serons pas". Pour André Dussollier, le problème n'était aussi pas simple à résoudre: "Il ne s'agissait pas de reproduire sa voix réelle que d'ailleurs le public connaît mal, au contraire de celle de Hitler ou de Mussolini. Le défi était déjà de le faire parler en Français. Pour que cela soit crédible, cela ne devra pas être une imitation, pas une reproduction, plutôt une évocation. Notre grande crainte, à Marc Dugain et à moi, c'est que soudain, simplement par la faute d'un éclairage trop brutal, d'un mouvement de caméra particulier, on cesse de voir sur l'écran une incarnation de Staline pour voir soudain à sa place un acteur reconnaissable."
L'écrivain-réalisateur revient sur son travail d'adaptation: "J'ai adoré cela ! J'avais déjà fait un détour par le théâtre avec le même texte. Jose-Maria Flotats avait joué la pièce en catalan à Barcelone, et devait la reprendre à Madrid en espagnol. Pour le scénario, j'ai eu Jean-Louis Livi comme interlocuteur, nous étions dans une franchise totale, je n'ai pas d'orgueil d'auteur. Cependant, l'adaptation a été rapide, quand on a porté un texte aussi longtemps que j'ai porté celuilà, la rapidité s'explique et se justifie."