Cliente de Josiane Balasko n'est autre que l'adaptation cinématographique de son propre roman homonyme. A l'origine, il s'agissait d'un scénario que la comédienne n'avait jamais réussi à transposer à l'écran, faute de soutien financier. Tous les producteurs auxquels elle s'était adressée à l'époque avaient en effet trouvé le sujet choquant. "Une femme de 50 ans, riche et équilibrée, qui a des relations sexuelles tarifées avec des hommes plus jeunes qu'elle, ça ne passait pas, explique Josiane Balasko. Je sentais bien en écrivant le scénario que je touchais à quelque chose d'un peu tabou. Mais en essayant de le produire, je me suis rendue compte que mon sujet était encore plus tabou que je ne le pensais. Cela dit, je crois que ce n'était pas seulement un problème de censure, mais aussi un problème économique : personne ne voulait prendre de risques. On me répondait que ce n'était pas un sujet populaire, que ça ne marcherait pas... Une fois que j'ai essuyé tous ces refus, je me suis dit que cette histoire devait quand même voir le jour d'une façon ou d'une autre. Ce n'était pas un sujet de pièce, alors je l'ai transformée en roman. Le livre a été un vrai succès, en librairie et en poche. Et puis le temps a passé, quatre ans en fait. Les choses ont évolué et j'ai trouvé des jeunes producteurs, Jean-Baptiste Dupont et Cyril Colbeau-Justin, intéressés par l'idée d'un long-métrage. En écrivant le bouquin, j'avais suivi le déroulement du scénario. En le reprenant pour le film, j'ai mélangé les deux. Un livre vous permet de creuser plus à fond les personnages, d'écrire un tas de choses que vous ne garderez pas forcément à l'écran. J'avais fait plusieurs versions du premier film, écrit des scènes que j'ai supprimées et dans le livre et dans ce film-ci."
Josiane Balasko est d'abord partie sur des sentiments pour bâtir son histoire. "Il se trouve que j'ai un certain nombre d'amies, autour de la cinquantaine, qui se retrouvent seules, raconte-t-elle. Soit parce qu'elles n'ont jamais rencontré d'homme avec qui bâtir une relation durable, soit parce qu'elles sont divorcées. Beaucoup de gens se séparent après 40 ou 45 ans. Les hommes refont leur vie, ont d'autres enfants. Ce que ne peuvent pas faire les femmes ! Elles n'ont plus qu'à fermer boutique ou bien commencer un autre type de relation. Ce n'est pas évident surtout dans notre société qui reste fondée sur l'apparence. Et encore, ça a beaucoup évolué depuis une trentaine d'années. C'est douloureux pour elles. Parallèlement à ça, j'ai remarqué qu'on ne parlait jamais d'un certain nombre de questions vues du point féminin. J'avais écrit Gazon maudit, parce qu'on ne traitait pratiquement jamais de l'homosexualité féminine au cinéma. De la même façon, il existe pas mal de films masculins sur les prostituées, sur les types qui en tombent amoureux, mais on ne décrit jamais l'inverse."
Au départ, Josiane Balasko souhaitait jouer le rôle de Judith. Une fois le livre sorti, elle en a envoyé un exemplaire à Nathalie Baye, sa partenaire dans la comédie Absolument fabuleux. Celle-ci l'a appelée dans la semaine : "Si jamais tu fais le film, j'en suis". "Je lui ai dit ok, se souvient la comédienne - réalisatrice. Et puis je me suis demandé : "Si je n'étais que le metteur en scène, est-ce que je choisirais Balasko pour le rôle ?" La réponse a été non. J'aurais évidemment pu le faire, mais ça aurait été un autre personnage. Là, j'avais simplement envie de m'impliquer plus dans la réalisation. Nathalie est une grande actrice au jeu subtil et profond. D'ailleurs il y a des moments où elle m'a dirigée. J'ai tourné un mois comme metteur en scène, et je n'ai pas eu trop le temps de penser au personnage jusqu'au jour où on m'a dit "demain c'est à toi de tourner". Et là une espèce d'angoisse est apparue. Je me suis dit : "Pourvu que je sois au moins aussi bonne que les autres". J'avais la trouille de ne pas être à la hauteur. J'étais tellement concentrée sur mes acteurs que je ne me suis pas suffisamment préparée, je n'avais pas assez réfléchi à mon personnage. C'est là que Nathalie m'a recadrée."
La première fois que Josiane Balasko a essayé de monter le film, elle pensait déjà à Eric Caravaca pour le rôle de Marco. Là encore, les producteurs trouvaient cette idée bizarre. "Pour eux, confie-t-elle, un escort était un garçon avec un physique de beau gosse à faire la couverture de "Têtu"... Pour moi, non. Le personnage de gigolo professionnel, Judith le rencontre à un moment du film. Ce n'est pas Marco. Moi je voulais un jeune homme charmant. Et je trouve qu'Eric a un charme fou, un peu féminin. Les femmes y sont d'autant plus sensibles qu'il n'y a pas de dangerosité en lui. Il a aussi de la grâce dans ses manières, de la tendresse. On comprend tout à fait son succès auprès d'elles."
Pour Josiane Balasko, Isabelle Carré est un "stradivarius". "C'est une fausse faible, une fausse fragile, explique-t-elle. A mon sens, il fallait quelqu'un de plus âgé que le rôle pour pouvoir en jouer toutes les facettes avec subtilité. Si quelqu'un joue un coiffeur, un homme de loi ou un PDG, il ne faut pas qu'on doute un instant de son métier. Isabelle est très à l'aise. Elle a réussi à incarner cette fille de 25 ans, parfaitement bien dans ses pompes, dans son travail et qui n'a pas de complexe à être une simple coiffeuse."
Josiane Balasko a mis dans ce film un bout de sa propre histoire, puisqu'Irène, le personnage qu'elle interprète à l'écran, tombe amoureuse d'un Indien originaire de l'Arizona. Ce dernier est joué par George Aguilar, qui n'est autre que le mari de Josiane Balasko.
Cliente s'est tourné durant l'été 2007 dans différents lieux de la région parisienne : rue de la Paix, place Vendôme et Jardin du Luxembourg, à Paris, ainsi que dans un salon de coiffure à Issy-Les-Moulineaux. Quant à l'idylle d'Irène (Josiane Balasko) avec Jim (George Aguilar), elle a été filmée dans les gorges du Colorado.