En jazz, le Chabada désigne une formule ryhtmique ternaire visant à renforcer le swing d'un morceau. Sa particularité repose sur l'accentuation des 2ème et 4ème temps de la mesure, les temps normalement faibles. De la dextérité du batteur à marquer le tempo par le Chabada dépend toute la légèreté et le swing d'un morceau.
C'est en passant trois jours avec Bertrand et Tonio dans un refuge en plein hiver, à plus de 2 000 mètres d'altitude, que Philippe Crnogorac a eu l'idée de ce documentaire. "Ils se sont mis à improviser un cours de "Chabada" dans la cuisine du refuge, en tapant sur des casseroles, se souvient-il. Le lendemain, ils sont sortis en raquettes, avec bonnets et polaires pour travailler le rythme. Ils semblaient seuls au monde et j'ai immédiatement eu envie de les filmer pour raconter ce qui me touchait chez ces deux hommes si différents."
Pour Philippe Crnogorac, "Chabada, la vie des hommes est bien sûr un film qui parle de musique, des émotions qu'elle peut provoquer, mais aussi de la difficulté d'apprendre, de créer. Je voulais aussi que l'on sente la montagne comme une entité vivante, avec ses humeurs, parfois joyeuse, parfois inquiétante, comme un personnage qui participe à l'atmosphère d'un film. Néanmoins, le film raconte avant tout l'histoire qui m'a ému, d'une amitié insolite et fragile entre deux hommes dans la solitude d'un refuge."
Tonio est gardien de refuge depuis vingt ans. Il a été moniteur de ski, maître chien d'avalanche. Quant à Bertrand, il est originaire de Paris. Il a appris la musique très jeune au Conservatoire et a joué dans des clubs de jazz de la capitale. Lassé de ces ambiances enfumées, il a un jour décidé de changer de vie, de vivre au grand air. Il a alors passé le diplôme d'accompagnateur moyenne montagne.
Le tournage s'est déroulé sur la période d'ouverture du refuge, du printemps à l'automne. Chaque mois, Philippe Crnogorac passait une à deux semaines avec Bertrand et Tonio dans le refuge et filmait leur vie. "L'idée directrice était de suivre l'évolution de leur relation et les bouleversements intérieurs qu'elle provoquait chez eux, confie le réalisateur. Jusqu'où pouvait aller leur complicité ? Quelles en étaient les limites ? D'où allaient venir les inévitables conflits ? Parce que vivre en huis clos dans un refuge quand on est si différent comporte des risques..."
Après un Deug "culture et communication" à Paris XIII et une maîtrise d'ethnologie à Paris VII, Philippe Crnogorac a abordé l'écriture cinématographique lors d'une résidence d'écriture à Lussas en 2000. Scénariste du téléfilm L'Enfant de la nuit, il a réalisé quelques documentaires pour la télévision comme Le Cap Vert, Avec Ivan ou encore Brazza Fever.
Ce qui a donné envie à Patrick Séraudie de produire ce film, c'est "sans hésitation, le sujet". "Quand Philippe Crnogorac est venu me voir, conseillé par une amie commune, c'était à la veille du début du tournage, se rappelle-t-il. Il partait deux jours après pour un premier séjour au refuge en compagnie de Bertrand et Tonio. J'ai été immédiatement séduit par sa présentation des personnages et du site où cette histoire devait se dérouler. Néanmoins le sujet était ténu et délicat à produire. Beaucoup de partenaires sollicités ont refusé de s'associer au projet arguant qu'il s'agissait d'une fiction ! Il m'aura fallu deux ans pour convaincre Tiziana Cramerotti à France 3 Sud de s'engager en coproduction."