Encore une fois, Clint Eastwood nous livre une œuvre humaniste, genre auquel il nous a habitués depuis maintenant pas mal d’années, avec des incontournables comme "Bird", "Sur la route de Madison", "Million dollar baby", et j’en passe. Ici tout commence avec des mouvements de caméra qui passent d’un mouvement à un autre sans coupure de plan, rendant les transitions aussi belles que possible. Etait-ce pour idéaliser la personne présentée ? Le fait est que la présentation est simple et gentillette, plantée au cœur de l’année 1928 à Los Angeles, époque dans laquelle nous n’avons aucun mal à nous plonger grâce aux décors, aux costumes, aux véhicules, et accessoires divers et variés. L’histoire vraie qui a inspiré ce film suscite en nous tour à tour de l’inquiétude, de la tristesse, du désarroi, de la compassion, voire de la pitié, de la colère, du dégoût, et même de l’horreur, tout cela en même temps que ce parfum de scandale qui nous accompagne sur une grande partie du film. Cette liste de sentiments n’est bien sûr pas exhaustive, car ils sont tellement nombreux qu’il est difficile de tous se les rappeler. Sublimée par le coup d’œil et la caméra de Clint Eastwood, Angelina Jolie (que d’habitude je n’aime pas des masses) nous rend une copie parfaite, reconnaissant elle-même que le style vestimentaire des années 20 l’a beaucoup aidée en la rendant elle-même douce et délicate. Pour autant le contraste n’est est que plus grand car en opposition à cette douceur et à cette délicatesse, on a ce courage, cette force intérieure sans faille qu’on ne peut que saluer à l’unanimité. Alors ce combat, son combat, un combat que mènent toutes les femmes victimes du rapt de leur progéniture, a été filmé avec beaucoup de tact, d’élégance, offrant ainsi au spectateur par la même occasion une photographie exceptionnelle. Clint Eastwood a su trouver le ton juste, le juste milieu en faisant balancer le spectateur entre espoir et désillusion, entre la chaleur apportée par les amis et la froideur témoignée par le système, passant tour à tour de la lumière à la noirceur et inversement. L’histoire est d’autant plus intéressante, car à l’époque, la condition féminine ne se posait pas. Toutefois, on voit Madame Collins occuper un poste de chef standardiste, mission qu’elle remplit à merveille à en croire son supérieur hiérarchique, lequel nous laisse dire que c’est pour ainsi dire une première. Angelina Jolie, à travers sa prestation irréprochable et exceptionnelle (le rôle de sa vie?), cantonne avec beaucoup de maîtrise ce personnage qui a osé se dresser contre le système, défier la police la plus corrompue qui soit, aidée il est vrai par des personnes de renom localement comme le révérend Briegleb (joué avec beaucoup de charisme par un John Malkovich étonnamment chevelu) dans un premier temps, lequel profite des diffusions quotidiennes de ses émissions à la radio pour apporter son soutien inconditionnel à cette femme d’une part, et pour tenter de faire bouger l’opinion publique d'autre part. Mais surtout, il ne mâchera pas ses mots envers la police en la fustigeant au possible, que ce soit à la radio, ou lors de ses sermons à l’église. J’avoue que cela a le don de rajouter du piquant à une histoire qui ne peut que concerner la majorité d’entre nous, puisqu’il s’agit de la disparition d’un enfant. Personne n’est à l’abri et c’est un des messages portés par le film, dont la longueur, 2h22, n’est en aucun cas un problème. Bien que ce soit un drame, les temps morts sont absents et on adhère totalement au combat que mène cette femme, dont l’histoire nous secoue jusqu’au plus profond de notre âme. Une chose est sûre, on ressort de ce film totalement conquis, film qui obtint une cinquantaine de nominations, dont 8 au festival de Cannes 2008, 3 seulement aux Oscars 2009, 8 aux Bafta awards 2009, mais aucune récompense prestigieuse de remportée. "L’échange" remportera quand même 8 autres prix. Notons au passage que Clint Eastwood a signé lui-même la musique, dont la partition accompagne discrètement l’intrigue. Plus qu’un film, c’est du grand art.