Concrètement, que reprocher à l’échange, nouveau drame sensible dans la filmographie du légendaire Clint Eastwood? Pas grand-chose. Difficile dès lors d’offrir une critique objectivement constructive lorsque le bonhomme nous fascine tellement que toutes ses créations sont synonymes d’évènements. Certes, l’échange n’est en aucun le plus emblématique, par la même le meilleur, long métrage réalisé par le metteur en scène d’Un monde parfait, de Million Dollar Baby, d’Impitoyable. Il en demeure tout de même un polar d’une rare délicatesse qui fait d’Angelina Jolie, vedette clinquante des tapis rouges, le disciple d’un maître cinéaste, toujours passionné par les sujets qu’il développe. Retour donc dans l’entre-deux-guerres, 1928, dans un Los Angeles en pleine crise identitaire, rongé par la corruption et la criminalité des opportunistes et la serviabilité, la naïveté et la bienveillance des altruistes, toujours nostalgiques de l’histoire paisible, jusqu’alors, de leur cité.
Un beau jour de mars, l’enfant de Kristin, Angelina Jolie, disparaît. La Police monte sur ses grands chevaux et part à la chasse. Après quelques mois d’enquête, le LAPD rend son fils à cette mère larmoyante. Mais est-il réellement son fils disparu? Le synopsis intrigue, sans conteste, d’autant qu’Eastwood incorpore, il en va de soi, des saveurs de polar tonique. Lequel des crimes commis par les parties est-il le pire? Le cinéaste prend singulièrement parti pour la bonté et dénonce tout en flegme et avec une grâce qui lui est propre un faits divers aussi touchant que révoltant. Outre un script aux petits ognons, certes un brin trop académique, Eastwood parvient à filmer les années 20, 30, avec une dextérité toute particulière. Comme tout film à tendance avant-gardiste qui se respecte, il faillait ici immerger le public dans une époque depuis 80 ans révolue. Et cela, Eastwood le fait à merveille.
En effet, notons que la mise en scène frise la perfection, tant dans ses reconstitutions, ses plans sépias nostalgiques et ses jeux de lumières fort habiles. Le film se découvre non seulement comme un histoire qui nous est narrée mais aussi comme un album photo, une collection précieuse de belles images, de nostalgies. Passionné non seulement pas son récit, Eastwood démontre également sa viscérale passion pour la mise en image d’un récit vanté comme étant véridique. Mais peu importe les origines d’une telle histoire, l’important n’est-il pas d’être touché? Pour cela, il fallait compter sur Angelina Jolie, actrice qui s’est souvent égarée sur les chemins de traverses tout au long de sa carrière, mais qui ici, bien dirigée, offre une prestation exemplaire sous l’égide d’un grand nom du cinéma. Certes, madame en fait parfois des caisses mais le tout sert admirablement l’esprit du polar, toujours en demi-teinte, entre espoir et profond pessimisme.
Mais l’échange a toutefois un défaut, non des moindres, celui de tiré finalement en longueur. En effet, les évènements s’enchaînent et l’on finit par perdre une certaine passion pour le drame de Kristin Collins. En somme, le film dure une petite demi-heure de trop. Certains n’y verront que du feu mais beaucoup d’autres prendront acte d’une baisse d’intensité flagrante durant les derniers instants du métrage. Une constatation, une légère amertume qui ne cadre pas vraiment avec la qualité monstre des œuvres références du grand monsieur derrière la caméra. Film d’accès aisé, l’échange démontre tout le savoir-faire de son metteur en scène, toute la grâce du jeu si rare d’Angelina Jolie et permet une petite révolte intérieure en référence au récit. Un excellent film, certes très académique, mais qui démontre qu’il est parfois inutile de s’égarer pour faire d’un film quelque chose de captivant. 15/20