Gilles Jacob, président du Festival depuis 2000 explique la genèse de Chacun son cinéma : "Au départ, il y a eu ce pari : fêter l'anniversaire du Festival sans porter de regard nostalgique sur les 60 ans écoulés, pour redire notre admiration et témoigner notre confiance envers les grands cinéastes du monde. Des cinéastes qui n'ont pas fini d'étonner et réinventent sans cesse le cinéma. Nous avons rassemblé 35 réalisateurs, venus des 5 continents et de 25 pays, tous universellement reconnus. Ils ont mis en scène, en 3 minutes chacun, leur état d'esprit du moment inspiré par la salle de cinéma, lieu de communion par excellence des cinéphiles du monde entier. La nature du projet les a incités à se montrer surprenants, blagueurs ou tendres, sarcastiques, mais aussi émouvants ou provocateurs. La variété des cultures, des origines et des talents nous a inspiré le titre de ce long métrage, Chacun son cinéma : 33 oeuvres individuelles pour une célébration collective. La nouveauté de la forme tient à son extrême morcellement, qui invite à un dépaysement constant, et à la plaisante saveur de sa légèreté (...)".
Le propos de Lars von Trier est vraisemblablement à l'image de son film : "Occupations est sans aucun doute le film le plus court que j'aie jamais tourné."
Gus Van Sant n'a pas eu à réfléchir très longtemps pour savoir où tourner son segment : "Quand j'ai entendu parler de ce projet, le Cinéma Bagdad à Portland dans l'Oregon m'est tout de suite venu à l'esprit. C'est une salle de cinéma à l'ancienne, construite dans les années 20, grandiose et décorée sur le thème des Mille et Une Nuits, — le genre de salle qu'on ne construit plus. My Own Private Idaho est sorti là-bas aussi, alors cela a énormément de significations pour moi."
Raoul Ruiz s'est très bien adapté au format demandé pour les films :"Un film de trois minutes, où justement, la durée du film est une partie essentielle de l'histoire."
Roman Polanski fait ce simple constat : "Depuis Deux hommes et une armoire, je n'ai pas touché au court-métrage. J'ai perdu la main !"
L'histoire de Claude Lelouch est toute liée au cinéma : "Mon amour du cinéma est né d'une histoire d'amour... entre mon père et ma mère qui se sont rencontrés dans un cinéma des grands boulevards en regardant un film de Fred Astaire et Ginger Rogers. 30 ans plus tard très exactement, je recevais sur Hollywood Boulevard, deux Oscars pour Un Homme et une femme des mains de Fred Astaire et de Ginger Rogers ! Incroyable mais vrai, la boucle était bouclée..."
La première séance de Takeshi Kitano ne fut pas des plus tendres : "J'ai vu très peu de films étant gamin. Ma mère très stricte et très axée sur l'éducation, cherchait par tous les moyens de m'empêcher de faire des trucs amusants. Et pas seulement aller au cinéma, mais aussi comme lire des bandes dessinées et des romans. Le premier film que j'ai vu au cinéma était quand mon grand frère m'a emmené voir un film italien, Le Cheminot (Il Ferroviere, Pietro Germi , 1956). Comme j'étais très jeune, je n'ai pas bien compris le film avec son thème socioculturel d'ouvriers, de grève et de socialisme. Je ressentais juste que c'était un film triste. Avec ce sentiment lourd qui pesait sur nos esprits, mon frère et moi avons commencé à rentrer chez nous quand, soudain, une bande de jeunes locaux est arrivé, nous a tabassé et a pris tout notre argent. Il nous a fallu marcher à pied deux longues heures avant d'arriver à la maison. Cela a rendu “ma première expérience au cinéma” encore plus triste."
David Cronenberg explique sa contribution à l'ensemble : "Mon regard sur le passé et l'avenir des salles de cinéma est à deviner dans ce film."
Théo Angelopoulos raconte son premier passage dans une salle de cinéma : "Mon rapport au cinéma commence un peu comme un cauchemar. C'était en 1946 ou 47. Premières années de l'après-guerre ; les salles de cinéma attiraient les foules et nous, les gosses, nous profitions de la bousculade pour nous faufiler et nous perdre dans la magie de la salle obscure. J'ai vu un tas de films à cette époque, mais le premier c'était Les Anges aux figures sales de Michael Curtiz. Dans ce film, il y a une scène où le héros est conduit à la chaise électrique par deux gardiens de prison. Leurs ombres grandissent sur le mur. Soudain, un cri... "Je ne veux pas mourir". "Je ne veux pas mourir". Ce cri a longtemps hanté mes nuits. Je me réveillais en sueur (...)."
Aucun des réalisateurs participant au projet n'a pu voir le travail, ni même connaître le synopsis des autres films avant la projection officielle.
Chacun son Cinéma a été présenté lors de l'édition 2007 du festival de Cannes dans les "séances spéciales", à l'occasion des 60 ans de la manifestation cinématographique.