Par le choix d'une "comédie anti-romantique", Ilan Duran Cohen souhaitait aborder le thème de jeunes adultes à la recherche de leur innocence perdue. "Dans mon film, des personnages épuisés par l'isolement urbain se croisent dans un même lieu, là où l'innocence est obligatoire, un lieu d'apprentissage symbolisé par le cours de chant lyrique, confie le réalisateur. Par la recherche de la voix juste et harmonieuse, ils se retrouvent confrontés à eux-mêmes et aux autres, par-delà tous les mensonges et faux-semblants. J'aime les personnages désinvoltes qui ne prennent pas leur propre histoire au sérieux, qui refusent de s'impliquer totalement face au destin, par crainte ou par refus de la maturité, ils sont toujours rattrapés par les autres, ils ne trouvent plus aucun refuge dans leur cynisme affiché. Ainsi, j'ai choisi de montrer des agents secrets désabusés à la recherche d'une clé qui leur échappe. C'est une recherche vaine et grotesque qui les précipite les uns sur les autres. Dans ce film, les corps ont été délibérément mis à nus, comme s'ils devaient se débarrasser d'une couverture qui les étouffe, pour se révéler à nous. La pudeur n'est plus de mise. Et le rire devient presque nerveux. Dans mes films précédents, j'avais déjà exploré le mélange des genres. Avec Le Plaisir de chanter, j'essaie d'aller plus loin, d'échapper à cette volonté absolue de toujours définir l'oeuvre. J'espère avoir trouvé l'équilibre utopique entre la comédie, le drame psychologique, le thriller et la réflexion. Le cinéma autorise une telle démarche, pas la vraie vie."
A la base, Ilan Duran Cohen souhaitait faire un film musical intitulé Happy Meal. Les premières versions du scénario se déroulaient dans le milieu de la variété. "Mais j'ai préféré le lyrique, qui donnait au film une dimension beaucoup plus... lyrique et filmique, moins terre-à-terre, plus éloignée de la télé, confie le réalisateur. Le chant aussi parce que je suis quelqu'un à qui on a toujours dit qu'il chantait faux - à cet égard, Muriel est vraiment mon alter ego dans le film. Comme les comédiens, j'ai pris des cours de chant avec Evelyne Kirschenbaum qui joue aussi la professeur de chant, et on a réécrit le scénario avec l'acquis de cette expérience. Apprendre à chanter est fascinant, surtout quand on n'est pas à l'aise avec sa voix. La travailler, voir ce qu'il en sort... C'est très difficile d'utiliser sa voix correctement, de chanter juste. Tout le corps est engagé, ça ne pardonne pas. Le chant lyrique est un art et un sport. C'est un combat pour la justesse qui doit paraître toujours facile et aérienne. Les chanteurs travaillent la note des heures et des heures pour arriver à bien placer leur voix. Il n'y a pas de mensonge possible avec la voix."
Ilan Duran Cohen évoque son travail d'écriture : "J'aime que la crédibilité soit au coeur de mon travail. Même si j'écris des choses que je ne vis pas forcément, j'essaie toujours de les rendre les plus réelles possibles. Dès que ça me paraît trop grotesque ou complaisant, du genre : "Rentrez dans mon univers, regardez comme il est merveilleusement décalé !", je fais un pas en arrière. A la base, je trouve toujours mon écriture un peu excessive, avec des dialogues trop écrits par rapport à la réalité, le scénario en lui-même peut paraître absurde mais le travail de réalisation consiste à incarner tout ça dans le réel. Je m'appuie beaucoup sur les comédiens. Ensemble, on travaille énormément sur le plausible, le réalisme du jeu. J'aime faire jouer les acteurs dans une retenue émotionnelle forcée, au risque de les rendre antipathiques. On me dit souvent, "tu n'aimes pas tes personnages, ils ne sont pas aimables". Moi au contraire, je les trouve vrais et jamais cabotins. Ils ne cherchent pas la sympathie, ils vivent dans leur monde fragile. Le Plaisir de chanter est un film sur le fil, il a nécessité un travail de funambule pour préserver cet équilibre entre réalité et fiction, fantaisie et drame."
Comme dans La Confusion des genres et Les Petits fils, Ilan Duran Cohen a mêlé dans le casting du Plaisir de chanter acteurs amateurs et professionnels. "J'aime faire appel à des acteurs très différents qui ne sont pas uniquement acteurs, et que je choisis comme s'ils étaient neufs, rien que pour moi, sans faire référence à leurs précédents rôles, à leur passé de comédien, confie le réalisateur. Ces mélanges sont dangereux mais très excitants. Et puis, je suis mal à l'aise dans les clans, les familles de comédiens, c'est une façon d'assurer sa liberté. Moi-même, je n'ai pas de famille de cinéma, j'apparais peut-être comme un OVNI, on ne sait pas si je suis plutôt romancier ou réalisateur."
Ilan Duran Cohen retrouve ici Lorànt Deutsch, acteur qu'il a auparavant dirigé aux côtés d'Anna Mouglalis dans le téléfilm Les Amants du Flore. "Pour moi, Lorànt Deutsch est un jeune Bourvil, confie le réalisateur. Il est capable de faire beaucoup de choses différentes, des comédies mais aussi des films très noirs. J'aime son côté populaire et homme-enfant mais il a aussi une face plus sombre. Il faut aller la chercher mais elle existe. Lorànt a de "l'obscur" en lui. Il a tout pour devenir un grand acteur classique."
Ilan Duran Cohen livre ses impressions sur Marina Foïs : "Elle me fait rire, mais j'aime surtout son côté indéfinissable, son ambivalence. Elle est à la fois comique et glaçante, je ne sais jamais qui elle est et j'adore cette sensation de ne pas la connaître. Elle m'échappe et j'ai envie de l'attrapper. Mais je pourrais dire la même chose de tous les acteurs du film qui ont aussi travaillé sur cette notion d'insaisissabilité ou d'échappée."
Ilan Duran Cohen avoue aimer filmer la nudité, car selon lui elle rapproche instantanément des comédiens en créant avec eux une intimité de cinéma. "C'est comme si l'acteur nous disait : "Je me suis mis à nu devant toi, c'est à ton tour de te mettre à nu pour moi", confie le réalisateur. Ce lien oblige le spectateur à une attitude moins distante vis-à-vis de la fiction et du film. Et puis, j'aime aussi cet embarras particulier lorsque le comédien se dévoile. Il est de mauvaise humeur, il n'aime pas cela, il ne veut plus de la scène ou du film, il devient soudain pudique, nerveux, le résultat de son jeu est souvent plus intense, plus prenant."