Lady Jane a été présenté en Sélection Officielle, en compétition, au 58e Festival de Berlin en 2008.
Lady Jane marque le retour de Robert Guédiguian à Marseille, chère au coeur du réalisateur, après deux-longs métrages tournés loin du Vieux-Port: Le Promeneur du champ de Mars, film consacré aux derniers jours de la vie de François Mitterrand et Le Voyage en Arménie (même si quelques séquences de ce dernier film ont été tournées dans la cité phocéenne).
Le thème principal du film est la vengeance. Robert Guédiguian donne ce son point de vue sur ce sentiment : "Il faut faire un effort pour ne pas vouloir se venger, l'être humain est " naturellement " structuré comme ça. Si les individus ne peuvent pas se départir de ce sentiment-là, il faut au moins que les instances collectives s'en départissent de manière définitive. Ce qui est terrible, c'est la vengeance collective, la vengeance d'Etat. C'est pour cela que je montre une courte séquence documentaire télévisée sur Israël... En même temps, il y a des histoires de vengeance politique que j'aime beaucoup. Les Arméniens qui sont allés tuer les responsables turcs qui les avaient massacrés, ou les Juifs qui sont allés chercher les anciens Nazis en Bolivie et qui les ont pourchassé sans cesse en dehors de toute légalité, ça me plait, je trouve ça juste. Je suis de tout coeur avec eux, mais du point de vue de la raison, je suis totalement contre. Je me sens très ambivalent. Cela doit venir de mes origines : j'ai du sang arménien par mon père, et allemand par ma mère. " Génocidé " d'un côté, génocidaire de l'autre..."
On retrouve devant la caméra la "famille Robert Guédiguian" : bien sûr le trio que forment sa compagne Ariane Ascaride (c'est leur quatorzième film ensemble), Gérard Meylan (idem) et Jean-Pierre Darroussin (douze films en commun), mais aussi les vieux complices Jacques Boudet, Pascale Roberts et Frédérique Bonnal, sans oublier, du côté de la jeune génération, Yann Tregouët, déjà vu dans La Ville est tranquille et Marie-Jo et ses deux amours. D'autre part, pour l'écriture du scénario, le réalisateur s'est une nouvelle fois adjoint les services de Jean-Louis Milesi.
Avec Lady Jane, Robert Guédiguian signe un vrai polar, genre qui était déjà une des composantes de son précédent film, Le Voyage en Arménie. Le cinéaste explique ce qui le séduit : "C'est que "ça fonctionne" comme disait Brecht. Même dans les mauvais polars, quoi qu'il arrive, on va jusqu'au bout, on veut savoir, on ne descend pas du train. Il y a au départ un noeud inextricable, qui se dénoue à la fin du film. C'est une technique de récit qui m'a toujours intéressé. Ecrire quelque chose qui "fonctionne" de la première image à la dernière." Avouant préférant les polars au cinéma que dans la littérature, il confie : "j'aime beaucoup les films noirs américains. Et les polars à la française des années 60, avec Gabin vieux. Ceux où le gangster file un pyjama à son copain pour qu'il passe la nuit chez lui, après avoir mangé des rillettes et bu un coup de rouge..."
Une des scènes-clés de Lady Jane est le meurtre d'un enfant (qui intervient tôt dans le film). Concernant la représentation de la violence, Robert Guédiguian explique sa démarche : "Dans ce cas précis, la référence, pour moi, c'est la tragédie grecque, plus que le polar. Pour créer une catharsis, et permettre au spectateur de se défaire de sentiments négatifs, je voulais choquer, sans complaisance. Je crois que c'est une affaire de découpage, de montage, de durée des plans. Le meurtre de l'enfant est le pivot de mon film. Je voulais que ça saigne, que l'on voit la balle dans le front, avec des plans très courts. Techniquement, c'est passionnant à mettre en place. De plus en plus, je me dis que la mise en scène consiste à résoudre ce type de questions très concrètes, très précises."
Lady Jane, titre de ce long métrage et nom du magasin dans lequel travaille Muriel, est à l'origine une chanson des Rolling Stones datant de 1966. Le film évoque l'amitié de Muriel, François et René, née justement à cette époque.
Réalisateur engagé, Robert Guédiguianexplique que sa façon même de faire des films a une dimension politique : "Continuer à filmer mes trois acteurs, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan, est un acte de résistance. Même si j'ai adoré filmer Michel Bouquet ou mon vieil acteur arménien dans mes deux films précédents, je ne peux pas rester longtemps sans retrouver ce trio. C'est l'idée d'un collectif possible. Un collectif microscopique, mais un collectif quand même. Un collectif de gens qui fabriquent des films ensemble depuis des années, et qui continuent. Plus largement, je prêche par l'exemple avec ma société Agat Films- Ex Nihilo, une des plus fortes entreprises indépendantes, en terme de quantité de films, de chiffres d'affaires. C'est un communisme de bande ! Et ça marche..."