Personnellement, j’ai découvert Robert Guédiguian à travers "La villa". Ce film m’avait laissé admiratif devant la capacité du cinéaste à ouvrir une fenêtre de vie sur des personnages lambda, un peu comme si le réalisateur avait réussi à se faufiler dans la vie privée de ces gens sans qu’ils ne s’en aperçoivent ou mieux, comme si ceux-ci n’avaient que faire de la présence de la caméra en continuant à s’adonner à leur quotidien, intime ou pas, sans masque. Le trio fétiche du cinéaste sait évoluer avec tant de naturel qu’il n’est pas étonnant de retrouver les trois acteurs que sont Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin, encore une fois en tête d’une affiche « made in Guédiguian ». Concernant le naturel, c’est ce que j’ai pensé lors de la première partie de "Lady Jane". Oui Guédiguian a son style qui lui est propre, et il faut admettre que son travail est d’une grande sobriété. Tenez, par exemple : la musique… On ne peut pas dire que la musique soit omniprésente dans ses films. C’est certes assez spécial mais que ça plaise ou non, j’y vois deux avantages. En tout premier lieu l’authenticité du récit, et ensuite c’est assez prenant. Voire immersif. Mais à cela on peut opposer deux inconvénients : la lenteur et, de ce fait, la possibilité de laisser l’ennui s’installer, voire même de bercer les paupières jusqu’à ce qu’elles baissent le rideau complètement. Eh bien toutes ces caractéristiques, nous les retrouvons dans "Lady Jane". A la différence près que les personnages ne sont pas cette fois des personnes lambda. Là-dessus, je ne peux vous en dire davantage, sinon, j’enlèverai une grande partie d’intérêt. Encore que le synopsis présenté par Allociné en dit beaucoup trop, mais alors vraiment beaucoup beaucoup trop. Alors si vous pouvez éviter d’y jeter un œil… Pardon ? C’est trop tard ? Raaaa c’est dommage parce que "Lady Jane" fait partie de ces films dont il ne faut rien savoir avant de le visionner. Parce qu’à travers l’écriture de ses personnages, que je qualifie d’excellente, il nous amène justement à découvrir ces personnages jusque dans leur passé. Ici, il a toujours su révéler en temps et en heure tout ce dont le spectateur a besoin de savoir. Et même, il sera impossible à ce dernier de ne pas être interloqué, choqué, abasourdi par la tragédie d’une rare barbarie. Et malgré l’ambiance délétère que la situation a engendré, malgré des personnages qui ne causent pas plus que ça, Guédiguian a su si bien manier à la fois le drame, le mélodrame, le policier et le thriller sans jamais perdre l’équilibre et basculer vers l’un ou l’autre, que le spectateur a fatalement envie de savoir quel est le fin mot de l’histoire. Et quand enfin il le connait, il est curieux de voir jusqu’où tout cela va aller. C’est magnifiquement noir, c’est tendu à souhait. Rien que pour ça, ce film est une éblouissante réussite. Seulement voilà : alors que je me préparais à donner une très bonne note, les dix dernières minutes ont tout balayé. Dix minutes décevantes, où la machine s’est déréglée d’un seul coup : arf ! le grain de poussière de trop apporté par une école désaffectée. Le twist final peu crédible, le jeu de Jean-Pierre Darroussin qui sonne tout à coup faux… C’est rageant tout de même de tout gâcher de la sorte ! Mais que s’est-il passé ?