Le film est en compétition officielle pour le 60e Festival International du film de Cannes. Mais le cinéaste est également présent sur la Croisette en tant que scénariste d'Après lui de Gaël Morel, un film présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.
Pour composer les chansons de cette comédie musicale, le cinéaste a fait appel à son vieux complice Alex Beaupain (on lui doit déjà les BO de Dix-sept fois Cécile Cassard et Dans Paris). Si on entend également ses compositions dans Qui a tué Bambi ?, celui-ci ne se consacre pas uniquement à la musique de film : Garçon d'honneur, un disque de pop française, le premier album de cet auteur-compositeur-interprète, est ainsi sorti en 2005. Certaines chansons de ceta lbum sont d'ailleurs utilisées dans le film d'Honoré.
Le cinéaste parle de sa collaboration, décisive sur ce film, avec Alex Beaupain : "Je connais Alex depuis qu'on a vingt ans. Il a fait la musique de tous mes films, je lui ai moi-même écrit quelques paroles de chansons. (...) je lui ai demandé si je pouvais me servir de ses chansons - certaines issues de son dernier album, d'autres beaucoup plus vieilles - et je les ai intégrées dans un scénario qui racontait une histoire assez douloureuse qui nous était commune. J"ai fait ensuite un travail d'adaptation sur ses textes, et lui ai demandé d'écrire de nouvelles chansons (...) On a réarrangé les chansons d'Alex avec Frédéric Lo, qui a notamment travaillé avec Daniel Darc - en ne perdant jamais de vue qu'on n'avait pas un an devant nous, ni le budget pour faire venir un orchestre. Nous avons essayé de faire correspondre notre désir avec nos moyens, et je pense que cela finit par créer une esthétique, une justesse (...) Alex et moi ne voulions pas que les chansons sonnent "cheap". Les acteurs ont beaucoup répété avec Alex. On a fait les premières lectures tous ensemble début novembre, puis enregistré les chansons juste avant Noël pour avoir les play-back sur le tournage, qui commençait en janvier."
Au départ, Christophe Honoré avait souhaité confier le rôle masculin principal à un véritable chanteur (il avait notamment pensé au cinéphile Vincent Delerm). Le cinéaste explique comment il a finalement choisi de reprendre son acteur fétiche, Louis Garrel : "Je croyais qu'il ne savait pas chanter. Et puis au départ, je cherchais un Ismaël plus vieux que Louis. J'ai donc commencé à voir des comédiens, et je me suis aperçu que la manière dont parlait le personnage, c'était Louis, sa musique. Pendant ce temps-là, Louis m'appelait régulièrement pour savoir où j'en étais du casting, il me conseillait des acteurs. Puis il m'a demandé de lire le scénario. Il me laissait des messages sur mon répondeur : "Tu sais, je chante un peu, moi aussi..." Je n'imaginais pas faire un troisième film avec lui mais il était très insistant ! Alors je lui ai envoyé une chanson d'Alex en lui proposant de la répéter. Un jour, il est venu chez moi pour nous présenter son travail, à Alex et à moi. Il nous a demandé de nous retourner pour qu'il puisse chanter sans nous voir, et il s'est lancé... La peur faisait trembler sa voix, mais pour Alex et moi, ca a été une évidence. En fait, ce rôle était pour lui dès le départ, je crois que sans m'en rendre compte, je l'avais écrit pour lui. Quelque chose s'est construit entre nous avec tous ces films, quelque chose qui nous échappe mais qui nous a tous les deux construits et changés. Il m''a permis de trouver ma manière, mon identité de cinéaste."
Christophe Honoré retrouve son acteur-fétiche, Louis Garrel, qu'il a cette fois associée à Clotilde Hesme, qui fut la partenaire du comédien dans Les Amants réguliers de Philippe Garrel. Elle avait joué dans une pièce d'Honoré, Les Débutantes. Le cinéaste dirige aussi de nouveau une actrice qu'il avait déjà dirigée dans son précédent film, Alice Butaud, Dans Paris.
Avec cette comédie musicale, Christophe Honoré réalise un vieux rêve. Le cinéaste n'a jamais caché que l'un de ses cinéastes favoris était Jacques Demy, l'un des rares à avoir osé se confronter à ce genre en France. Honoré s'est d'ailleurs fait connaître des cinéphiles en publiant dans les années 90 une chronique dans les Cahiers du Cinéma, qu'il signait sous le pseudonyme de Roland Cassard. Il s'agit du nom d'un personnage de Lola, dont il est également question dans Les Parapluies de Cherbourg. Le cinéaste a d'ailleurs choisi comme titre de son premier long métrage Dix-sept fois Cécile Cassard...
Alex Beaupain ne considère pas vraiment Les Chansons d'amour comme une comédie musicale. Il explique : "Quand on parle de comédie musicale, on pense aux films de music-hall, à l'entertainment, comme les américains savent faire, avec des numéros chorégraphiés, des chansons qui commentent l'action. Ou alors aux films de Jacques Demy, qui a inventé un nouveau langage musical : les paroles chantées. Il me semble que Les Chansons d'amour relève davantage d'une tradition française des années 60/70, comme Jules et Jim de Truffaut par exemple, où tout d'un coup, les personnages se mettent à chanter Le Tourbillon de la vie. Sauf qu'au lieu d'avoir une ou quelques chansons, comme c'était aussi le cas de Dans Paris, on a ici 13 chansons qui structurent le film."
Si les comédies musicales sont très rares dans le cinéma français, l'univers de la chanson n'est pas totalement nouveau pour Ludivine Sagnier et Chiara Mastroianni. La première reprenait Papa, t'es plus dans le coup de Sheila dans 8 femmes de François Ozon. Quant à la seconde, elle a enregistré un album folk en compagnie de Benjamin Biolay, Home, paru en 2004.
Le réalisateur parle de la difficulté qui existe à filmer des personnages qui chantent : "Filmer des personnages qui chantent est très compliqué en termes d'incarnation. Il faut arriver à ce que le passage du parlé au chanté, puis le retour au parlé, paraisse naturel... Mais qu'en même temps, il se passe quelque chose de l'ordre du "pas naturel". Il faut que la mise en scène accepte de s'affranchir d'un réalisme, mais sans tomber dans le clip.La peur de transformer mon film en 13 clips me donnait des sueurs froides. À tel point que la première chanson que j'ai tournée, je l'ai faite en plan séquence, en m'interdisant tout découpage. Mais je me suis aperçu tout de suite que c'était une très mauvaise idée, parce que j'allais me retrouver au montage avec des plans séquence que je ne pourrais absolumentpas couper. Je suis donc allé dans une mise en scène et des découpages de plus en plus complexes au fil des chansons et selon l"émotion qu"elles expriment."
Christophe Honoré revient sur l'inscription du film dans la réalité sociale et urbaine : "Dans les comédies musicales, on a souvent la sensation d'être dans une bulle un peu kitsch, avec des références acidulées, des chansons qui produisent un décollement du réel. convoque moins le monde que je ne fais avec. Je pense que le fait de filmer la ville où je vis change profondément les choses. Dans Dans Paris, il s'agissait d'un Paris "musée". Pour Les Chansons d'amour, au contraire, j'ai choisi de me limiter au Xème arrondissement de Paris. Le Xème est l'un des rares arrondissements où l'on travaille dehors, avec des gens qui déchargent des camions de livraisons... Il ne s'agissait pas de bloquer des rues pour tourner, je voulais que la vie s'infiltre le plus possible dans les plans, et aussi respecter la géographie des lieux. Je m'étais donné cette contrainte non pas tant pour produire un effet de réel que pour m'empêcher de fantasmer un film."
Gaël Morel, le réalisateur du film Après lui (co-écrit par Christophe Honoré), fait une apparition au début du film. Il se glisse dans la file d'attente du cinéma, en assurant : "J'étais après lui..." Honoré fait lui-même une apparition dans le film.