Mondialement réputée pour ses montres, l'entreprise "Lip" connu une nouvelle renommée dans les années 70 suite aux nombreux conflits sociaux opposant les salariés à ses dirigeants.La situation financière s'étant gravement dégradée pendant les années 60, Lip se voit contrainte de déposer le bilan le 17 avril 1973. Les salariés décident alors de s'organiser pour sauver leur emploi et leur entreprise. Pour cela ils s'approprient les moyens de productions et les produits suivant ainsi leur slogan désormais célèbre : " C'est possible : on fabrique, on vend, on se paie ". Parfois à la limite de la clandestinité, ils organisent un véritable système d'autogestion soutenu par une grande partie de la population. C'est finalement après 329 jours de conflit que le travail reprend dans l'entreprise avec plus de 135 salariés à nouveau embauchés, signant au passage une victoire emblématique.
Christian Rouaud évoque l'approche qu'il a adoptée pour réaliser le documentaire : "J'avais envie d'un film partiel, partial sans doute, un film qui assume un point de vue et un regard, certain que cette singularité-là dirait plus et mieux que toutes les analyses du monde. Ce qui m'intéresse, ce sont les hommes et les femmes qui ont permis que ce tremblement de terre se produise. Leur mémoire est vacillante, leurs souvenirs imparfaits, ça tombe bien, ce qui m'émeut c'est la façon dont ils en parlent aujourd'hui, les hiatus et les grincements de leurs récits.(...) C'est dans les espaces de cette parole d'aujourd'hui que se glisse la matière proprement cinématographique de l'histoire, la part de l'imaginaire et du récit, l'émotion aussi, sans laquelle le cinéma n'est pas."
"J'ai toujours imaginé ce film projeté dans les cinémas, explique le réalisateur.J'ai pensé qu'il avait besoin du coude à coude et des frissons d'une salle obscure pour trouver son espace. Cette histoire collective appelle une écoute et un regard partagés. Elle veut qu'on soit là, ensemble. A cette condition, elle pourra évoquer des questions qui n'en finissent pas de se poser à nous, qu'on le veuille ou non : la démocratie, la solidarité, la lutte pour la justice, la capacité de vivre ensemble. De grands mots, sans doute, mais dont on a sans cesse besoin de retrouver le sens, de se les réapproprier. Peut-on parler de rêverie politique ? J'aimerais que cette incongruité traverse le film. Lip c'est la poursuite d'un rêve collectif. Une histoire portée par un souffle épique, mais aussi par le désir de mettre en acte des idées, après les avoir malaxées ensemble, avec l'évident plaisir d'inventer.
Pour les besoins du documentaire, le réalisateur Christian Rouaud a interrogé plusieurs figures emblématiques du conflit comme Charles Piaget, Raymond Burgy ou Jean Raguenès.
L'affaire "Lip" a déjà fait l'objet de documentaires, dont Lip 73 de Dominique Dubosc et Lip - Le rêve et l'histoire réalisé par Isabelle Brunnarius et Bertrand Gauthier et produit par France 3 Bourgogne Franche-Comté, TSR et Beau Comme une Image