Longtemps producteur ou directeur de production sur plusieur documentaires, téléfilms et longs métrages (notamment Un si beau voyage de Khaled Ghorbal en 2008, Ce que mes yeux ont vu de Laurent de Bartillat en 2007, et De particulier à particulier de Brice Cauvin en 2006), Jean-Paul Guyon a parallèlement écrit et réalisé trois courts métrages : "Le Passeur" en 1998, "L'autre voyage" en 2000, et "La vérité sur Ariane" en 2002. Sommeil blanc est donc son tout premier long métrage.
Citant volontier la psychanalyse de Freud comme source d'inspiration, Jean-Paul Guyon raconte à propos des thèmes privilégiés de son film : "L'idée était de travailler une forme " d'inquiétante étrangeté " où la réalité se teinte de mystère et où se pose la question de la subjectivité du point de vue. Plutôt que de jouer sur les rebondissements ou l'angoisse, j'avais envie de diffuser de manière plus sourde une inquiétude sur ce qui se passe, qui se fasse l'écho du trouble de Camille et de l'ambiguïté du récit. D'où, par exemple, la maison de correction de la fin, qui est à la limite de l'irréel. Ou le fait d'avoir joué une ressemblance dans les silhouettes de Camille et de l'enfant, de telle façon qu'on puisse parfois se demander lequel des deux est à l'image dans des plans larges ou de dos. Tout ça contribuait à donner des options aux spectateurs selon qu'ils croient à ce qu'ils voient ou non. On a fait quelques projections publiques : il y a des gens qui trouvent l'histoire réaliste et d'autres ont le sentiment qu'on est plus dans une métaphore de l'état de Camille. Ces deux lectures me paraissent aussi recevables l'une que l'autre et j'aime l'idée qu'elles ne rentrent pas en conflit. (...) l'idée de conscience renvoie à celle de la culpabilité. Sommeil blanc étant évidemment un film sur ce sujet. Camille se met à l'épreuve en essayant de sauver cet enfant : elle affronte son refoulé. C'est dans ce mouvement qu'elle va se reconstruire, mais aussi à travers ce qu'il lui renvoie. C'est le regard des autres qui nous définit en partie, et, dans le cas de Camille, son atrophie du début est un peu liée au fait qu'elle est confrontée au regard de ses proches, son mari ou sa belle-soeur, qui, s'ils ne l'énoncent jamais, la considèrent comme malade, dépressive, et la renvoie à son deuil. Ils exercent sur elle une oppression involontaire, mais très violente. Camille va finalement se libérer de ce joug et se reconstruire grâce aux regards de l'enfant et du personnage de Marc Barbé : le premier en lui permettant d'affronter sa culpabilité, mais aussi en lui restituant son statut de mère ; le second lui rendant une féminité, voire, même si rien n'aboutira entre eux deux, une sexualité."
A propos de la dimension symbolique du film, le réalisateur Jean-Paul Guyon explique : "Telle qu'on la découvre, Camille est dans un état d'ensommeillement et le film raconte son éveil. Mais cela ne va pas sans ambiguïté car il y a une vraie dimension obsessionnelle dans cette femme qui projette l'image de son fils sur un gamin sauvage. Ce rapport m'intéresse : l'obsession est un carburant existentiel, mais qui est à double tranchant. Dans le film, on peut considérer que cela ramène Camille à la vie et lui permet de faire son travail de résilience, mais rien ne nous empêche de penser qu'elle s'enfonce finalement encore plus dans son isolement, ne voyant plus rien d'autre que l'objet de son désir. Cette ambiguïté est au coeur du film : on peut voir l'obsession de Camille comme une énergie vitale ou, au contraire, comme une pulsion mortifère. (...) Il n'y a pas de révélation finale ou de fin ouverte ostentatoire : il y a le mouvement d'une femme qui va vers une forme de réconciliation. S'est-elle réconciliée avec le monde réel ou avec son monde intérieur ? Il était important que le film ne dise pas les choses de manière tranchée, nette. Que le spectateur puisse y projeter sa sensibilité, qu'il se forme peu à peu son propre point de vue."
Sommeil blanc a été tourné dans trois départements, l'Ain, l'Ardèche et la Savoie, où l'action est censée se passer. Rhônes-Alpes Cinéma a grandement participé au financement du film, et Nicolas Namur le producteur remercie cette aide sans laquelle le film n'aurait pu se faire. Le décor enneigé a plu au réalisateur Jean-Paul Guyon, mais c'est fin hiver-début printemps 2008 que le tournage a eu lieu et a donc nécessité de la neige artificielle entre chaque prise.
Selon les propres dires d'Hélène de Fougerolles, le public la considère (trop) souvent comme une actrice de comédie, notamment à cause du fait qu'on a tendance à associer la blondeur à une certaine forme de légèreté : changer de couleur de cheveux lui a récemment permis de casser cette image et, par la même occasion, de changer de registre. Pour la petite histoire, lorsqu'elle a rencontré Jean-Paul Guyon, la comédienne était déjà brune : c'est le réalisateur qui lui a demandé de le rester, car cela correspondait parfaitement à la personnalité du personnage de Camille.
L'intrigue de Sommeil blanc s'inspire d'un livre du romancier Georges-Jean Arnaud intitulé "Enfantasme", mystérieux portrait de femme à l'aurée du thriller psychologique paru en 1976. Le livre avait obtenu le Prix Mystère de la Critique, et avait déjà été adapté pour le cinéma en 1978 par Sergio Gobbi sous le titre "L'Enfant de la Nuit", une coproduction franco-italienne avec Jean-Claude Bouillon et Agostina Belli. Pour Sommeil blanc, ce que désirait le réalisateur Jean-Paul Guyon était de placer son film à la croisée des genres, entre le mélodrame et le thriller, tout en passant par le conte de fées. Pour parvenir à cela, il fallait "partir d'une situation réaliste et travailler l'intériorité du personnage principal", explique le cinéaste.
La référence au conte est très présente dans le film de Jean-Paul Guyon : "Il y a quelque chose de "La belle au bois dormant" (...) , affirme le cinéaste. Pour moi, il pourrait commencer par "Il était une fois", sauf que ce n'est pas un prince charmant qui vient réveiller la princesse endormie mais son démon intérieur." Pour accentuer cette référence, le réalisateur a demandé au compositeur David Moreau de rendre, à travers la musique, un certain lyrisme propre à l'univers féérique.