Ce qui m’avait donné envie de voir le film de Lounguine, c’est cette critique, parue dans un éminent journal de cinéma dont l’âge d’or est, décidément, bien révolu: «esthétiquement, émotionellement, moralement, L’île et le Bannissement construisent de hauts murs admirablement ornés, dont il y a lieu de s’inquiéter que cela réjouisse ainsi les spectateurs, en Russie et ailleurs». Outre que ce qui est plutôt inquiétant est de lire pareille critique, certains ont désormais le talent, dans leur critique, de nous indiquer à leur insu où se trouve le cinéma de qualité... Ainsi, comparer L’île au Bannissement de Zviaguintsev, l’un des tous meilleurs films de 2008, m’encourageait fortement à découvrir ce film. J’avais très envie de le défendre, mais malheureusement…je ne peux pas. Certes, pas pour les raisons couramment évoquées par ceux qui prétendent «penser» le cinéma et qui me semblent grossièrement exagérées (fondamentalisme religieux, extrémisme, etc), mais parce que L’île est un film au contenu désespérément pauvre et caricatural, alors qu’il a des prétentions artistiques et philosophiques, ce qui l’enfonce encore davantage. Juste de «belles» images pour faire joli mais qui ne sont qu’une vitrine, elles-aussi privées d’âme, de poésie, d’émotion, et incapables de susciter le moindre éblouissement esthétique. Et ce n’est pas parce que Lounguine est russe qu’il faut se sentir obligé de comparer son film aux grandes œuvres du cinéma russe! Il ne passerait par la tête d’aucun cinéphile censé de comparer Eloge de l’amour de Godard avec un film de notre Lelouch national sous prétexte qu’ils ont la même nationalité et que leur film partagerait un fond thématique commun, aussi vague que l’amour. Mettre ainsi sur le même plan de comparaison le film de Lounguine avec l’immense Andreï Roublev de Tarkovski, par exemple, c’est faire preuve d’une étroitesse d’esprit certaine… L’île est un film plat et ennuyeux, et cela n’a rien à voir avec le fait qu’il soit russe.