Jerome Laperrousaz connaît bien la Jamaïque pour y avoir tourné le documentaire Third World, sélectionné à Cannes en 1980. Il donne ici la possibilité aux artistes de tous bords de s'exprimer, filme les enregistrements de chansons et les concerts en live, tout en privilégiant une esthétique plutôt fictionnelle - lumière, mouvements de caméra, décors créés pour l'occasion, prises multiples, placement des "acteurs", chorégraphies travaillées... Avec ce mélange d'esthétique et de vérité, le réalisateur a construit le vrai document historique et géographique d'un pays à travers les portraits joints de ses individualités.
Jerome Laperrousaz : "Dans les années 1970, une nouvelle musique est née : le Reggae. Depuis, le Reggae n'a cessé d'évoluer et a connu un succès planétaire. Mon film Made in Jamaica met en scène les porte-parole de cette musique : les idoles du Reggae d'origine et les stars de la nouvelle génération. Cette extraordinaire succession de leaders musicaux constitue un train : le " train Reggae ". Il s'agit pour moi de faire comprendre dans ce film comment, de l'esclavage et de la misère, naît dans une île de moins de trois millions d'habitants, un chant de révolte qui résonne aux quatre coins du monde. Made in Jamaica expose le destin individuel, du ghetto au star system, de ceux qui représentent ce " rêve Jamaïcain ". Le Reggae occupe une position majeure non seulement dans l'industrie du disque mais aussi dans l'imaginaire collectif : chacun se l'approprie et la publicité s'en empare. On devient adulte en chantant Marley. Aujourd'hui, trois générations sont réunies par l'amour du Reggae. A 10 ans, 20 ans ou 50 ans, le Reggae provoque le même engouement, suscite la même passion par la qualité exceptionnelle de son rythme sur le quel dansent les adolescents du monde entier aussi bien que leurs parents."
Made in Jamaica brasse assez largement tous les thèmes que l'on retrouve traditionnellement dans la musique jamaïcaine : la violence du ghetto, la responsabilité politique, l'histoire de l'esclavage et de la colonisation, l'héritage laissé par Bob Marley d'une rédemption à travers la musique, la religion et la culture Rasta, les rapports entre sexe et musique, le rôle des femmes dans la société, et l'espoir d'une vie meilleure. Comme le blues pour les noirs américains, le reggae est une musique traduisant à la fois l'espoir et la désespérance, une musique qui résonne de toute la douleur et la misère de ce peuple de trois millions d'âmes.