Prostitution, pègre, pédophilie : peut-on s’étonner, en connaissant les milieux où il se déroule, que le premier long métrage de Paul Andrew Williams soit si glauque ? Caméra à l’épaule, il colle aux pas de Kelly (Lorraine Stanley), une prostituée londonienne. Le visage tuméfié, celle-ci se réfugie, en pleine nuit, dans les toilettes délabrées d’une gare, avant de prendre la fuite, direction Brighton, en compagnie de Joanne (Georgia Groome). La raison à ce départ précipité est toute simple : la seconde, âgée de 14 ans, vient de tuer Duncan Allen, patron de la pègre aussi riche que pervers, qui avait payé pour passer la nuit avec elle. Les vraies circonstances du drame restent longtemps floues, jusqu’à ce qu’un flash-back, sorte de rêve éveillé mâtiné de conte (Joanne, vêtue d’un sweat-shirt rouge, se rend chez le pédophile aux allures de grand méchant loup) et empreint de perte d’innoncence, vienne nous éclairer. Était-il pour autant indispensable ? N’aurait-il pas mieux valu seulement suggérer ce qui s’était passé ? Car en faisant cette révélation, “London To Brighton” cède au voyeurisme un peu malsain qu’il avait réussi à éviter jusque là, malgré un sujet qui s’y prêtait.
S’appuyant sur des figures (prostituées et caïds donc, mais aussi des truands) et un point de départ de thriller classique, Williams bifurque très vite vers le drame, laissant à ses personnages la place pour exister et révéler sa part d’ombre et de lumière, contournant ainsi tout manichéisme. En nous plaçant face à des personnages humains avant tout, il va au-delà des archétypes propres au genre, et facilite notre attachement à eux, tandis que la musique se fait plus envoûtante, que la tension monte, et que le voyage se transforme en voie sans issue pour certains d’entre eux.
Inutile de préciser à quel point le retour de la lumière apparaît comme un soulagement, au terme de ce sombre et poignant voyage au bout de la nuit.