Darling est l'adaptation du roman homonyme de Jean Teulé. "J'ai lu le livre par petits bouts, raconte la réalisatrice Christine Carrière. C'était étonnant : je riais, souvent, et à la phrase suivante, la violence me reprenait. Une telle violence que parfois, je le refermais en me disant : "Ce n'est pas possible, cette histoire est trop dure". Et puis, j'y revenais toujours, comme si je ne pouvais pas m'en empêcher. Le ton décalé me troublait énormément. Le rythme du livre, l'humour et la distance, la poésie inattendue qui surgissait au détour d'une scène incongrue : tout ça m'attirait et me fichait la trouille en même temps. A priori il n'y a pas plus concret que la vie de paysans en Basse-Normandie, pourtant l'histoire de Darling racontée par Jean Teulé part dans des directions totalement dingues et ce mélange de réalité et d'onirisme permettait tout. C'est ce qui m'a séduite."
Darling marque les retrouvailles de Guillaume Canet avec Marina Foïs, les deux comédiens ayant déjà été partenaires dans la comédie Un ticket pour l'espace.
Pour les besoins du rôle, Marina Foïs n'a pas hésité à prendre quelques kilos. "De Marina, je n'étais pas sûre du tout parce que le personnage est censé être obèse, raconte la réalisatrice Christine Carrière. Mais à la première rencontre, elle avait déjà lu le livre et elle m'en a parlé pendant des plombes avec une telle passion que j'en ai attrapé la migraine. Je me suis dit : "Bon, il lui manque les kilos, mais elle a tout le reste." J'étais touchée par sa sensibilité, sa fougue, sa drôle de timidité, ses élans de provocation pour planquer les grandes failles. Je la sentais fragile et impatiente. Marina est extrêmement drôle et directe et je ne peux travailler qu'avec des comédiens qui n'ont pas besoin d'être maternés pour travailler. On peut tout demander à Marina : elle fonce d'emblée pour défendre son personnage. Plus tard, quand on a fait les essais, j'ai été frappée par le travail physique qu'elle est capable de donner, une façon toute particulière de tenir son corps, de le transformer."
Marina Foïs se souvient de sa rencontre mémorable avec la véritable Darling : "Quand elle est arrivée sur le plateau, elle était marrante. Par pudeur sans doute, elle a préféré frimer un peu. Elle m'a dit : "Alors, on a le trac parce que la vraie Darling est là ?" Elle m'a un peu narguée au début, c'était drôle. Elle s'est aussi foutu de ma gueule parce que dans une scène où je conduisais une voiture j'avais oublié de retirer le frein à main et que j'ai fait rater deux prises. Et puis elle a regardé une scène... elle a été très émue. Et elle a dit "j'aurais bien aimée être entourée comme toi quand j'ai vécu tout ça" Elle parlait de tous les gens qui prenaient soin de moi, m'apportaient des chaises et des cafés. Que lui dire, je ne vais pas mentir, j'aime bien qu'on m'apporte des cafés... nous on fait un film... c'est violent."
Marina Foïs se souviendra longtemps de la manière de travailler de la réalisatrice Christine Carrière : "Elle m'a montré une façon de se mettre en face du personnage, pas au-dessus, pas en dessous, pas en oblique, mais de manière frontale - n'être pas plus intelligent que le rôle, ni plus triste, ni plus ironique, jamais cynique. Ne pas la juger, mais la trouver con aussi quand elle l'est, pas plus belle qu'en vrai. C'est ça, la respecter vraiment, je pense voir ses vraies forces et assumer ses faiblesses, lui reconnaître des limites. La regarder vraiment comme une personne, pas comme une bête de foire, ni comme une icône, qu'elle n'est pas d'ailleurs. C'est Christine qui m'a montré les choses comme ça. J'aime sa rigueur, son honnêteté, et le fait que, malgré toute l'estime qu'elle a pour ses acteurs et leur travail, elle n'est jamais "cliente", jamais complaisante. Elle ne vous lâche jamais. Et elle prend le temps de chercher, elle n'arrive pas avec une idée préfabriquée de la scène à tourner. Son regard, impitoyable sans doute, je le trouve très sécurisant. Et puis elle sait dire "je ne sais pas". Paradoxalement, je trouve ça très rassurant."
"Je ne pensais vraiment pas que Guillaume Canet accepterait ce rôle, mais le défi m'intéressait, raconte la réalisatrice Christine Carrière. Il m'a fait rire d'emblée quand il m'a dit qu'il en avait justement marre que le slip de bain dans le film La Plage lui colle à la peau ! J'ai aimé tout de suite sa simplicité et sa curiosité. C'est un grand bosseur, un chercheur ! Pour le personnage de Roméo, ce qui nous intéressait, justement, Guillaume et moi, c'était de comprendre comment on en arrive là, comment on dérape dans l'horreur (...) Aux essais, j'ai adoré le travail de Guillaume, son écoute, son humour, son cynisme. Il a eu la délicatesse d'éviter de me rappeler qu'il était lui-même réalisateur, sauf pour me soutenir et me faire rire dans des moments un peu difficiles."
Guillaume Canet a facilement adopté une démarche de Bas-Normand grâce aux observations qu'il a faites à l'époque où il était jockey. "Quand on a grandi comme moi, dans le milieu des chevaux, on côtoie beaucoup de Bas-Normands car on fait des concours là-bas, explique le comédien. "A Saint-Lô par exemple, j'ai vu des mecs ayant cette allure. Ce qui est agréable dans le métier de comédien, c'est d'observer et d'essayer de reproduire."