Opéra Jawa a remporté le Silver Screen Award au Festival International du Film de Singapour en 2007.
"Ambitieux et étrange, Opéra Jawa est un film à grand spectacle qui reprend une légende traditionnelle indonésienne : le Râmâyana, explique le réalisateur Garin Nugroho. Brodant à partir de la grande tradition du gamelan indonésien, Opéra Jawa révèle les riches aspects du théâtre, de la danse et de la musique de Java. Cette joyeuse célébration de la diversité culturelle indonésienne est en même temps un requiem de douleur pour toutes les effusions de sang dans le monde, un reflet de nos vies aujourd'hui, où les problèmes se résolvent dans la cruauté et la tragédie."
Le Râmâyana (en sanskrit “Le parcours de Râma”) est un poème épique composé entre le IIIème siècle avant et le IIIème siècle après J.-C. Texte fondamental de l'hindouisme, à la base de nombreuses oeuvres artistiques asiatiques encore aujourd'hui, ce poème de 48 000 vers, à l'image de L'Iliade, voit se succéder récits légendaires et cosmogoniques, drames amoureux, longues épopées, voyages aux longs cours, intrigues de palais, guerres cruelles et interventions divines.
Garin Nugroho explique les raisons qui l'ont amené à choisir ce grand livre de la culture indienne pour en faire une adaptation au cinéma : "Le Râmâyana est populaire bien au-delà de l'Inde, au Sri Lanka, en Indonésie et même au Vietnam. Il existe dans ces pays dans des versions différentes. Par exemple au Sri Lanka, c'est Râvana qui devient le héros et non Râma comme en Inde. J'ai choisi cette histoire classique parce qu'elle a une dimension symbolique et en même temps elle est très complexe. C'est un livre toujours vivant pour les gens parce qu'il repose sur des structures de récits simples comme un amour triangulaire : deux hommes désirant la même femme tout en étant en rapport avec ce qui se passe dans leur pays aujourd'hui. Chaque artiste interprète cette légende à sa manière. Dans Opéra Jawa par exemple, j'ai voulu que Râvana représente le pouvoir économique - ce pourrait être les Etats-Unis - et Râma la pauvreté. Sità, qui est aujourd'hui un problème majeur à la fois objet de convoitise parce qu'elle contient le pétrole et sujet de préoccupations écologiques. Râvana, comme tout homme de pouvoir, est amené à prendre des positions extrêmes et utilise la violence. De même, Râma qui est exploité se sert de son arme."
Les répétitions ont duré trois mois pour mettre au point les 60 danses et les 70 chants du film. En revanche, le tournage, lui, n'a duré que deux semaines.
Dans cette adaptation du Râmâyana, Garin Nugroho a fait le choix d'introduire des thèmes politiques. Ainsi, les marionnettes représentent de manière symbolique les problèmes sociaux et politiques. L'une fait référence à l'Amérique, la deuxième à l'Irak, la troisième à l'Afghanistan... "J'ai essayé de comprendre la logique de ces opérations militaires, celle de Al Quaïda contre le World Trade Center, celle des Etats-Unis contre l'Irak et la certitude pour chacun de détenir la vérité, explique le réalisateur. L'absence de partage des idées me frappait et aussi que la foi se transforme en violence. Je voulais aussi parler de la colère de la nature - sous la forme de tsunamis - parce qu'on assiste à la destruction de l'écosystème. La démocratie ne se manifeste plus dans son rapport à l'humanité mais en terme de victoire ou de défaite. D'où la présence de tant de camps d'extermination dans mon film."
Né en 1961 à Yogyakarta, en Indonésie, Garin Nugroho étudie le cinéma et la télévision à l'Institut des arts de Djakarta et obtient son diplôme en 1995. Il réalise de nombreux documentaires avant de passer à la fiction avec Cinta Dalam Sepotong Roti (1991). Il poursuit avec Bulan Tertusuk Ilalang (1994), un drame réaliste, chronique des relations entre un vieux maître de musique, son élève et une jeune danseuse. Son film suivant, Feuille sur un oreiller, présenté à Cannes en 1998 dans la section Un Certain Regard, met en scène un groupe d'orphelins qui cherchent refuge auprès d'une femme délaissée par son mari. Parmi ses réalisations, on retrouve également Serambi (2006).