Il y a autopsie d'un meurtre et à l'autre bout, à l'exact opposé il y a vers sa destinée de Ford et les deux sont tout aussi bons l'un que l'autre. Mais là où le Ford voulait montrer la bonté du personnage de Lincoln en faire un avocat brillant, engagé pour le bien, contre les injustices... Et ça rendait très bien avec un Henry Fonda qui joue un peu ce rôle là dans tous ses films (ou presque), le type intrinsèquement bon... Lorsqu'on voit Preminger faire un film de procès avec Stewart, qui tient aussi globalement le même genre de rôle (faut le voir dans Monsieur Smith au Sénat) on peut s'attendre au même genre de film, sur la bonté de l'avocat, sur la justice, etc.
Sauf qu'en fait c'est Preminger qui réalise et qui va s'amuser à démonter point par point tout ce qui peut faire la bonté folle d'un film comme vers sa destinée. Parce qu'ici on est du point de vue de l'avocat, c'est-à-dire que la seule version du crime qu'on aura est celle qu'entend l'avocat et on ne la verra pas, on est comme lui, on ne sait pas où part son associé, tout comme on ne sait pas ce qui s'est réellement passé cette nuit là.
Tous les personnages sont ambigües au possible, tous. Ici Stewart ne défend pas un modèle d'innocence victime d'une erreur judiciaire, non, ici le but avoué est de sortir de prison coûte que coûte, même en trichant un peu. Certains qualifieront ça ne cynique, je trouve ça très réaliste et bien loin de l'idéalisme de Ford, du coup forcément c'est moins beau, moins pur, moins émouvant et ça se trouve être glacialement jouissif. Parce que quelque part on a envie de voir de belles joutes verbales, que le type soit libéré mais s'il est puant du début à la fin, le spectateur se trouve être finalement aussi immoral que Stewart qui souhaite la libération de son client pour des raisons toutes autres que la simple "justice".
De plus le film ne tombe pas dans le piège de la justification de la vengeance, on aurait pu dire "oui sa femme a été violée, du coup c'est normal", des thèses revanchardes que l'on entend de nos jours, Preminger rend le questionnement beaucoup plus intéressant, parce que comme pour le reste, on est avec Stewart et on ne verra pas les faits, il faudra croire, ou non, sur parole et finalement ça importe peu.
Bref c'est très bien écrit, filmé avec minutie parce que tenir pendant 2h40 et réussir à être acéré pendant toute la durée ce n'est pas donné à tout le monde, bref c'est vraiment excellent. Cependant, j'ai peut-être encore trop d'espoir utopiste, voir naïf dans la justice pour préférer le Ford.