Ce film a tout, absolument tout pour lui. Acteurs, scénario, réalisateur hors pair. Que se passe-t-il donc alors? Tout est mou, tiède, sans âme ni aucun charisme dans la première heure dispensable de ce péplum de 3H. Une introduction interminable dans laquelle seuls les seconds rôles ont une quelconque saveur. Ce n'est en fait qu'un greffon (et banalités) avant le procès de 2H, l'essentiel, soit un huit clôt. Un film dans ce courant des procès qui faisait la vague de certains grands films de cette période. Stewart n'était déjà pas à son premier film du genre [Cf. Mr Smith Goes To Washington, déjà utilisé en 1939]. Ici, ce qui pourrait être un grand classique du N&B, tire quelques grosses ficelles du rire, ou de la fantaisie hors norme. Otto se jette dans la plus complète caricature, jusqu'à créer de véritables invraisemblances, ou confusions. Ainsi, de nombreuses perles viennent émailler ce tableau qui en ravira plus d'un. Une belle sera la définition du viol qui s'affranchit de savoir s'il y a eu concrètement eu lieu ou pas, la sanction étant rigoureusement identique pour une simple tentative. Ainsi, si vous venez à accrocher le vêtement d'une femme en la croisant sur le trottoir, votre compte est bon : la chaise électrique à perpétuité. On ne manquera pas de s'excuser abondement, en l'absence de témoins. Le meilleur étant le parti pris de ce cher Otto, à vouloir systématiquement faire exécuter un strip-tease complet à la sulfureuse Lee Remick, en plein procès. Strip-tease virtuel bien sûr, mais au combien détaillé et fouillé. Cela commence par la chevelure que l'on découvre exprès, puis les lunettes qui tombent pour révéler un regard et un sourire plus que radieux, tout cela pour l'intérêt du débat bien sûr. Puis plus tard une insistance à évoquer les jambes nues, la signification. Puis la croupe qui ondule devant une queue de billard. Puis un jeu pervers qui consiste à chercher un synonyme de slip, justement pour ne pas avoir à l'évoquer en plein procès. Puis d'appuyer davantage sur cet élément dans une chasse (au slip) au fond des bois. Cela va si loin (dans un procès prude) qu'il n'est pas oublié que cette charmante dame, oublie justement de porter ce genre d'accessoire en public. Le paradoxe de la pruderie est alors totalement démontré, assailli à ses plus grandes extrémités. Otto s'amuse ouvertement. Et pour finir, arborer fièrement une relique en dentelle retrouvée en toute hâte, même si un peu déchiré dans le but de montrer l'acte sexuel passé, son intensité. Pour l'époque, le traitement reste particulièrement chaud, même si aucune allusion n'a été faite aux seins de la chaudasse. En fait, c'est la seule partie restée vierge de toute justice, pourtant hypocrite à éviter ces évocations physiques directes, toute perturbation dévoyée. Otto choisi délibérément la provocation en laissant la pulpeuse Lee Remick faire des avances sans équivoque possible, dans la décapotable de l'avocat (Stewart), sous le nez même du mari emprisonné, celui-ci à la fenêtre, retenu pas les barreaux de la prison. Heureusement, l'ensemble du film est sous une licence de propos intelligent, de réparties bien senties. Mais le procès lui-même est grotesque, voire amusant, caricatural. Un vrai morceau d'anthologie. Malheureusement ce film qui constitue un véritable classique par son scénario, son choix d'acteurs, son thème honorable, son N&B apportant sérieux et rigueur, souffre pourtant d'un léger handicap : on ne rie pas là où l'absurdité indique que c'est possiblement drôle (un frigo de pêcheur, rempli de poissons à l'excès), mais on sourie abondamment de passages apportant exagérations (et grand sérieux) au cours du procès. En fait ce film ne remplit qu'apparemment les critères d'un film classique, et détourne en véritable combat de petits coqs, le sérieux d'un vrai procès. Il n'y a qu'à voir la conclusion du procès, pour comprendre combien tout ceci n'est qu'un prétexte, un leurre à amuser le spectateur, voire l'exciter un peu. Otto s'amuse gentiment à appliquer assez peu de rigueur, à détourner les ingrédients à son seul plaisir, plutôt qu'au notre. D'autant que ce film, avec une pareille prise de risques à se jeter dans la fantaisie et la caricature, est finalement un des seuls classiques, qui vieillira moyennement, contrairement au sérieux d'un Hitchcock. On ne rit plus de nos jours comme ce qui faisait sourire il y a cinquante ans, surtout pour un humour discutable ou frelaté au départ. L'humour à la Otto n'est donc pas une valeur sûre. Un prix spécial aux seconds rôles que sont Lee Remick (l'épouse dévergondée et voluptueuse), à Arthur O'Connell, génial en avocat pochtron, et surtout la superbe Eve Arden, la secrétaire qui n'a absolument pas sa langue dans sa poche. Elle, est très pince sans rire, et du meilleur qui soit.