Et toi, t'es sur qui ? est le premier long métrage de Lola Doillon. Une première expérience que la réalisatrice a appréhendé avec un mélange d'excitation et de doutes : "(...) je ne savais pas si je saurais diriger ces acteurs, cette équipe... Écrire un scénario, c'est bien, mais après il faut réussir à dire aux acteurs et à toute l'équipe ce qu'on a dans la tête !"
Dans le court métrage Majorettes, Lola Doillon abordait trois histoires croisées d'adolescents. Après cette expérience positive où elle avait apprécié travailler avec des jeunes, la réalisatrice a eu envie de prolonger l'aventure dans un long-métrage. "Je me suis (...) posée la question :'Qu'est-ce que vivent les adolescents ?'. Or ils vivent beaucoup de premières fois, y compris sexuelles ou sentimentales. Ils ont tout d'un coup beaucoup de responsabilités qui leur tombent sur le coin de la gueule, des choses qu'ils apprennent à vivre dans beaucoup de domaines, notamment en amour. Et tout ça c'est compliqué à vivre, à gérer. C'est ce débordement de confusion qui me touche.Tout le monde a vécu ça, c'est universel. Je me suis dit que c'était ça mon sujet, 'les premières fois'."
A l'instar de son père, Lola Doillon filme le monde de l'enfance et de l'adolescence. Un héritage qu'elle assume mais qu'elle refuse de considérer comme une contrainte artistique : "Je suis la fille de Jacques Doillon depuis 32 ans. Ca n'a rien de nouveau. Beaucoup de gens m'ont dit : 'C'est risqué de partir sur un film avec des ados vu les films de ton père.' Certes. Mais il a aussi filmé des histoires d'enfants, d'adultes, d'amour... A partir de là, pour me démarquer, il ne me restait plus que le western, les films de cul et les films d'horreur ! J'étais mal barrée !"
Afin de rendre son film le plus authentique possible, la réalisatrice a tenté de coller au langage qu'utilisent les adolescents d'aujourd'hui, tout en se servant de ses propres souvenirs. Au fur et à mesure de l'écriture du scénario, elle a ainsi modifié son approche et fait évoluer les mots de son histoire :"le langage des ados change selon les époques. J'étais complètement hors-jeu quant aux expressions d'aujourd'hui (...) Pendant le casting, j'ai beaucoup écouté les adolescents que je rencontrais. Pas seulement pour emprunter leur langage, mais aussi pour savoir si ce que j'avais écrit n'était pas hors du contexte social actuel. Les modes et moyens de communication évoluent (chat, SMS, etc...) mais les sentiments restent les mêmes ! "
Etant donné que Et toi, t'es sur qui ? s'appuie beaucoup sur les dialogues et que les comédiens sont, pour la plupart, des débutants, il leur était parfois difficile de savoir comment placer leur voix. Cependant, la réalisatrice n'attendait pas non plus de ses jeunes acteurs un respect total du texte, comme l'explique Lucas Albert, l'ingénieur du son sur le film : "Lola souhaitait un rendu naturel, et pourtant nos comédiens récitent un texte, bien que celui-ci fasse partie de leur vocabulaire courant. Il est parfois arrivé que les comédiens modifient le texte avec leurs propres mots, ce qui rentre totalement dans la volonté de la réalisatrice. (...) Lola veut de la vie dans son texte, ce qui implique parfois que l'on tourne les prises sans que les acteurs ne soient au courant. Le film navigue parfois entre l'imprévu et c'est ce que Lola veut de ses comédiens."
Comme la plupart des jeunes comédiens qui jouent dans Et toi, t'es sur qui ?, Nicolas Schweri ne pensait jamais faire de cinéma. Il n'a donc pas participé aux castings mais a été repéré alors qu'il ne s'y attendait pas. "J'étais dans le métro, précisément un soir avec deux potes, un monsieur (...)est venu m'accoster tout seul et m'a proposé de faire un casting. J'ai été très surpris au début. J'ai cru que c'était un keuf ou un pd mais je me suis dit que vu qu'on était trois... il a pris mon numéro de portable et m'a donné un rendez vous. J'ai passé trois ou quatre entretiens. Je mangeais à la crêperie avec ma maman et Lola m'a appelé et m'a dit : 'Je te prends pour le film.' Ça m'a coupé l'appétit. Mais j'étais content et j'ai appelé tout de suite mon père"
Pour les adolescents de Et toi, t'es sur qui ?, tourner les scènes d'intimité ou celles qui impliquaient un engagement personnel n'était pas évident. "Ils avaient une grande appréhension à devoir s'embrasser ou être intimes devant une caméra. C'était ce qu'il y avait de plus angoissant pour eux – pas tant l'acte que le regard de l'autre, des autres. Après une ou deux prises, ils se sont rendus compte que ce n'était pas si dur que ça (...). En revanche, le plus compliqué pour eux a été d'interpréter certaines scènes où il fallait exprimer plus de sentiments. Et selon chacun des acteurs, extérioriser ou intérioriser allait à l'encontre de leur caractère propre. Mais avec beaucoup de mérite, ils ont tous dépassé ces limites." explique Lola Doillon.
Parmi les héros adolescents de Et toi, t'es sur qui ?, Christa Theret était la seule à avoir eu une première expérience face à la caméra. En 2005, elle interprétait la fille de José Garcia dans Le Couperet. Après cette expérience, Lola Doillon lui a confié le rôle de Julie, une adolescente au look gothique : "je pensais qu'elle serait un peu molle, un peu suicidaire, et je suis tombée sur Christa qui est pleine de vie, très spontanée. Je me suis dit que c'était ce qu'il fallait pour ne pas tomber dans le cliché. Et ça a été la même chose pour chacun des adolescents."
La prise de son sur Et toi, t'es sur qui ? a posé quelques difficultés à l'ingénieur du son, Lucas Albert, et son équipe."Les lieux de tournages se situent pour la plupart dans des lieux scolaires en période estivale : Bien sûr, il n'y a pas de marmots mais pire : des travaux. Travaux de rénovation, de construction. Ce qui crée un environnement particulièrement pollué au niveau sonore. L'oreille humaine oublie très vite une scie électrique au loin, mes micros, non (...)." Des aléas avec lesquels l'équipe a bien dû s'accommoder en anticipant sur les lieux de tournage, ou tout simplement en retravaillant le texte en post-production.
Et toi, t'es sur qui ? est présenté au Festival de Cannes 2007 dans la section Un Certain Regard.