La réalisatrice Iciar Bollain et sa scénaristeTatiana Rodríguez se sont livrées à un véritable travail d'investigation. Durant quatre mois, elles ont rencontré quantité de détectives privés, qui leur ont parlé de leurs dossiers, de leurs méthodes d'investigations. La cinéaste explique : "Progressivement, nous avons réuni tellement de matière que nous nous sommes demandées : "Quel est le sujet du film ? Quels en sont les véritables enjeux ?" Nous nous sommes aperçues qu'à travers ces différents récits, on abordait beaucoup de sujets liés à notre époque et à nos vies personnelles. Le monde des détectives est finalement un prétexte, qui nous permet d'évoquer des sujets plus profonds comme la vie en couple, la communication entre les gens ou la détresse liée à la solitude. Notre travail d'investigation nous a conduit à privilégier certaines histoires pour étayer les vies et les parcours de nos trois personnages principaux".
Dans l'imaginaire collectif, le métier de détective privé est la plupart du temps associé à un univers masculin. Faire un portrait de trois femmes détectives privés et travaillant de surcroît au sein de la même agence était pour Iciar Bollain l'occasion d'aller à rebours de l'image traditionnellement véhiculé de ce métier. La réalisatrice avoue aussi s'être inspiré d'un article paru dans la presse chinoise, qui faisait état d'une agence de détectives privés "femmes". Celui-ci louait tout particulièrement les qualités intrinsèquement attribuées aux femmes : intuition, qualité d'observation, capacité à faire plusieurs choses en même temps, méthode, analyse du portrait psychologique de la personne observée afin d'anticiper ses faits et gestes; "pour prouver que les femmes détectives ont, outre ces qualités "innées", un avantage supplémentaire" explique Iciar Bollain. Avant d'ajouter : "personne ne s'attend à ce qu'une femme soit détective. Si deux hommes sont assis dans une voiture, attendant que quelqu'un quitte un immeuble, il est quasiment certain qu'un voisin appellera la police. En revanche, personne n'imaginerait que deux femmes qui discutent dans une voiture puissent être des détectives. Celles que nous avons rencontrées avaient un appareil photo caché dans leur sac à main mais ressemblaient à une cousine ou une tante. Vous ne pouvez deviner en les voyant qu'elles sont détectives et qu'elles vous surveillent".
Mataharis a eu le privilège de se voir attribuer cinq nominations aux Goyas 2008 (l'équivalent ibérique de nos Césars) : Meilleur réalisatrice pour Iciar Bollain; Meilleur acteur pour Tristán Ulloa; Meilleur scénario original; et, chose assez rare, deux nominations pour le Meilleur second rôle féminin pour deux actrices du film : Nuria Gonzalez et María Vázquez. A noter que, toujours du côté des récompenses, Iciar Bollain a remporté en 2004 le Goya de la Meilleure réalisatrice ainsi que celui du Meilleur scénario pour Ne dis rien.
Afin de donner selon ses propres termes un style "urbain, proche du documentaire" à Mataharis, Iciar Bollain et son directeur de la photographie, Kiko de la Rica filmaient souvent en pleine rue, caméra au poing, les passants...non seulement sans les avertir, mais en plus en se dissimulant !
Si l'expression "jouer les mata haris" (qui peut également s'écrire tout attaché) est entrée dans le langage commun lorsque l'on parle d'espionnage, savez-vous d'où est tiré ce nom ? Il s'agit en réalité du surnom que se donnait une femme avant la guerre de 14-18 : Margaretha Geertruida Zelle. Née en 1876 et de nationalité hollandaise, cette aventurière arriva à Paris en 1903, et gagna son surnom à l'occasion d'un célèbre numéro de danse érotique exotique; un surnom qui signifie en malais : "l'oeil du jour". Entourée d'amants (on lui en a prêté plus de 150), courtisane, dépensière, elle fut accusée d'espionnage au profit des allemands par les services secrets français durant la Grande Guerre. Si les faits restent encore assez obscurs et que les historiens pensent qu'il s'agissait d'un agent double, sa condamnation fut sans appel : elle fut fusillée dans les fossés de la forteresse de Vincennes, le 15 octobre 1917.