Passe-passe marque la quatrième collaboration de Nathalie Baye avec Tonie Marshall. La comédienne fut d'abord l'un des quatre Enfants de salaud en 1996, puis l'une des esthéticiennes de Vénus beauté (institut), film à succès qui relança sa carrière en 1999 et enfin -pour un rôle beaucoup plus bref- une redoutable businesswoman dans France boutique (2003).
La réalisatrice précise ses intentions : "(...) j'avais envie de m'essayer à une comédie sophistiquée, d'exploiter les ressorts classiques d'une rencontre entre deux personnes que tout oppose (...) A priori tout les oppose, mais en fait, tous les deux sont un peu paumés, chacun l'exprime à sa manière : lui est introverti, un peu sombre ; elle est autoritaire et donneuse de leçon : Le dépressif et l'emmerdeuse. Ce qui m'intéressait, dans leur opposition, c'était qu'elle soit plutôt libérale, et lui plutôt pas grand-chose, mais de gauche (...) Au fond, j'avais envie de raconter l'histoire de deux adultes qui n'ont pas trouvé leur place dans la vie, comme ça arrive à beaucoup de gens (...) Trouver sa place, ce n'est pas forcément en rapport avec le travail, avec l'amour ; c'est une sensation, celle d'être au bon endroit, au bon moment. Et dans notre époque confuse et âpre, dans notre monde de concurrence, d'urgence, cette sensation d'évidence est plus difficile à atteindre que jamais. Passe-passe est une comédie sentimentale (...) C'est aussi un road-movie qui traverse la politique, le luxe, la gastronomie, la maladie... Sous couvert de fantaisie, le film touche à des choses sérieuses, parfois graves."
Nathalie Baye parle de sa relation privilégiée avec Tonie Marshall : "Elle est quasiment la première à m'avoir proposée des personnages loufoques, fantasques, imprévisibles, décalés... Sans doute, est-ce dans cet échange-là qu'on se complète bien. On me voit souvent comme quelqu'un de carré, d'effi cace, de déterminé. J'ai ce côté-là mais je suis aussi le contraire. Et ça, Tonie l'a très bien senti. Peut-être aussi parce que, par certains côtés, je lui rappelle un peu Micheline [Presle, sa mère]. Comme elle, par exemple, il m'arrive fréquemment de dire un mot à la place d'un autre (...) Elle perçoit chez moi des choses que peu de gens voient, ça lui donne une ouverture, ça nourrit sa fantaisie, ça débride son imagination. Et, en plus, elle me fait confiance pour jouer ça..."
La mère d'Edouard Baer est interprétée par celle qui fut la patronne du Vénus beauté (institut) Bulle Ogier. Mélanie Bernier, qui campe une jeune femme victime du syndrome de la Tourette, était quant à elle une employée de ce salon... mais dans sa version série, diffusée sur Arte en 2005.
La cinéaste revient sur les deux images qu'elle avait à l'esprit en se lançant dans l'écriture de Passe-passe : "La première, c'est celle d'un sac Hermès plein de billets abandonné au bord de la route en rase campagne et alors qu'un conducteur, intrigué, s'arrête, une femme sort du champ de blé, récupère son sac et monte dans la voiture. La deuxième, c'est le visage d'un homme où se lit un profond désespoir : sa mère qu'il aime énormément vient d'être emmenée dans une institution où, à cause de son état de santé - je ne sais si à l'époque, j'avais déjà pensé à un Alzheimer - il a été contraint de la placer. Très vite, ces deux hommes n'ont plus fait qu'un dans ma tête..."
Edouard Baer parle de ce qui l'a séduit dans cette histoire : "J'ai beaucoup aimé ce qui est le moteur du film : c'est le mec mou qui tient le volant et la fille énergique qui est sa passagère. Habituellement, surtout dans les " buddy movies ", c'est le contraire : le mec énergique est au volant et le mou est traîné. Là, c'est le mou qui est sans arrêt poussé par l'autre – d'autant qu'elle a ce sac plein de billets qui est une carotte extraordinaire, un instrument de pouvoir magnifique ! (...) Ce qui est intéressant, c'est la manière dont leurs rapports s'inversent, lorsque, lui, tout à coup, parce qu'il est poussé à bout, parce qu'il en a marre, parce qu'il prend à coeur son histoire à elle, prend le taureau par les cornes, alors qu'elle s'effondre petit à petit, qu'elle n'arrive plus à tenir, à y croire encore... De voir Nathalie jouer ces moments-là, c'était bouleversant..."
Dans Passe-passe, le personnage d' Irène Montier Duval, une femme qui, par amour pour un ministre, a servi d'intermédiaire dans une vente d'armes entre la France et un pays d'Asie, n'est pas sans rappeler Christine Deviers-Joncourt, l'autoproclamée "Putain de la République" -même si les points communs entre la réalité de l'affaire et le film de Tonie Marshall s'arrêtent là... Reste que l'affaire Elf aura décidément fait fantasmer nombre de réalisateurs français... Citons Claude Chabrol, auteur de L'Ivresse du pouvoir (2006) avec Isabelle Huppert dans le rôle d'une juge inspirée par Eva Joly, ou Lucas Belvaux, réalisateur des Prédateurs (2007), un téléfilm en deux parties qui revient de façon très détaillée sur le dossier Elf.
A travers ce film, Tonie Marshall rend hommage à Darry Cowl. "Quand j'ai écrit le scénario, Darry était vivant et je voulais qu'il joue dans le film", explique-t-elle.""Quand j'avais 18 ans, j'ai en effet joué une pièce avec Darry, Duo sur Canapé. Il m'a fait la cour comme personne ne me l'a jamais faite ! (...) J'avais écrit une scène où le personnage d' Edouard le retrouvait, l'amenait à Bulle dans la maison de retraite. Et elle qui ne se souvient plus de rien le reconnaissait (...) Édouard s'en allait ému d'avoir ressuscité la mémoire chez elle (...) Je lui ai envoyé le scénario et il m'a rappelée en me disant que le rôle était vraiment mince. Je lui ai dit que c'était un clin d'oeil, il m'a laissé des messages drôles – d'ailleurs le premier que j'ai reçu, c'est le soir où je suis allée voir le spectacle d'Édouard, Luigi Pizzoti, étrange coïncidence. On était en janvier 2006, il est mort un mois après. Je me suis demandé comment j'allais faire. Et puis, j'ai eu l'idée de me servir d'une photo de lui. J'ai appelé Rolande, sa femme, qui m'a donné une très belle photo, et voilà..."
La cinéaste revient sur les conditions climatiques particulièrement défavorables auxquelles l'équipe a dû faire face : "On a eu une météo vraiment atroce. J'ai le sentiment qu'on a passé les trois quarts du tournage couvert de sacs poubelles autour de la voiture. Comme c'est une comédie, j'avais envie qu'il y ait un peu de soleil, de beaux plans de voiture dans des paysages lumineux, mais tout était plombé. On a pourtant tourné du mois d'avril au mois de juin. Pour les séquences de la fin du film, j'avais fait des repérages à Locarno – c'est là que je faisais se réunir les altermondialistes et se retrouver tous les personnages. C'était luxueux et sublime comme dans les James Bond. Eh bien, on a quitté Lyon où il avait plu absolument tous les jours, et quand on est arrivés à Locarno, alors qu'il n'avait pas plu depuis huit mois, on a affronté une vraie tempête ! Et la loge maquillage a pris feu ! Edouard circulait en vélo en disant : " I am Terry Gilliam, don't worry ! don't worry ! "."
Pour incarner le volcanique Max, Tonie Marshall a fait appel à une grande figure du rap français : Joey Starr, moitié du groupe mythique NTM. C'est son premier vrai rôle, même si on avait déjà pu l'apercevoir dans Old school et dans les comédies La Tour Montparnasse infernale et RRRrrrr !!!. Juste avant Passe-passe, il avait tourné dans Le Bal des actrices de Maïwenn. Bruno Salomone avait, un temps, été envisagé pour jouer le rôle de Max.
On entend à plusieurs reprises dans le film la chanson Under my skin de Frank Sinatra. Mais initialement, Tonie Marshall avait pensé utiliser Unforgettable de Nat King Cole.
La cinéaste a d'abord souhaité intituler son film Darry Marzouki, du nom du personnage interprété par Edouard Baer, puis Chapeau de roue.