« Red Road » est un film noir à la réalisation âpre sans décorum superflu. Pas de musique envahissante ni de dialogues inutiles, une image sombre et terne. Juste l’histoire de Jackie, employée dans une société de vidéosurveillance. Elle veille derrière ses écrans sur un quartier populaire de Glasgow. Un jour, sur son écran de contrôle, elle reconnaît un homme qui la ramène à un moment tragique de sa vie. Elle entreprend alors de rencontrer cet homme. La première partie du film présente le personnage de Jackie, dévoilant par petites bribes les aspects de sa personnalité. La mise en scène sèche d’Andrea Arnold et le rythme lent du récit rendent cette première partie assez fastidieuse. « Red Road », dans sa première moitié, aborde les thèmes du voyeurisme, inhérent au système de vidéosurveillance dans lequel tout le monde est scruté en permanence, à l’image de Jackie, observant la vie quotidienne des habitants ordinaires, semblant de ce fait se protéger de la vie extérieure. La deuxième partie, à partir de la rencontre avec Clyde, est plus prenante, laissant entrevoir le drame qu’a vécu Jackie, jusqu’au dénouement final, moment poignant où tout est dévoilé. Cette production, derrière sa construction rigide et épurée, se révèle émouvante dans son épilogue d’une grande intensité dramatique. Le film aurait cependant gagné en puissance en écourtant d’une quinzaine de minutes sa première partie qui risque de décourager pas mal de spectateurs. Kate Dickie livre ici une belle interprétation de cette femme qui a mis sa vie entre parenthèses et dont on ressent, au fur et à mesure qu’avance le récit, une douleur à fleur de peau et une rage intériorisée. Un film atypique et saisissant, imparfait dans sa réalisation et parfois bancal dans sa construction, mais qui a le mérite de sortir des sentiers ultra-balisés du cinéma d’aujourd’hui.