La cinéaste revient sur la genèse du projet : "L'idée du film vient d'un fait divers que j'avais lu dans un journal, il y a très longtemps, à propos d'un hôtel tout à fait simple mentionné dans un guide avec une erreur concernant son standing. Des clients beaucoup trop élégants pour l'endroit étaient arrivés là à cause de cette erreur. C'est donc un endroit qui ne correspond absolument pas aux attentes et au style de vie des personnages qui débarquent là, mais on constate que très vite ils sont à l'aise, que ça ne les dérange pas ; les riches sont partout chez eux. Le sentiment que le monde t'appartient c'est vraiment un truc de bourgeois. Alors qu'Esmé, la jeune fille de l'hôtel, quand elle est dans la voiture de Carl, ou dans cette belle maison dont rêve son enfant, elle n'est pas du tout à l'aise. Cette espèce de modestie des gens pas riches, ce sentiment qu'on “n'y a pas droit”, c'est une chose que je trouve terrible."
Belhorizon est le premier long métrage de Inès Rabadán, cinéaste belge née en 1967. Licenciée en lettres et philosophie, elle a déjà tourné une dizaine de courts métrages (documentaire ou fiction, cinéma ou video). Pour l'un de ces courts, Maintenant (2002), elle avait déjà fait appel à Nathalie Richard.
Belhorizon se caractérise par ses nombreuses scènes de groupe. La réalisatrice précise à ce sujet : "A Luc Yersin, l'ingénieur du son, j'avais demandé de considérer le groupe comme un paquet. Ça n'a aucune importance qu'on entende les phrases une à une. C'est un babil qui flotte au-dessus d'eux, on doit à la limite ne pas savoir qui a dit la phrase. Ça n'arrête pas de parler. Je n'avais pas du tout réalisé que ce n'est pas si facile que ça pour un acteur d'accepter d'être dans un groupe. Parce qu'on ne les voit pas bien ! (rires). Mais ils ont accepté dejouer le jeu, de ne pas faire sortir leur réplique, genre: Hop !, c'est moi. Ils ont, ensemble, donné le ton du groupe: désabusé, féroce parfois, mais aussi mélancolique."
La cinéaste s'explique sur le choix de la demeure, qui joue un rôle essentiel dans le film : "Je voulais un lieu unique, ne ressemblant à aucun autre. Un lieu qui désorienterait les visiteurs. Et vraiment, on ne comprend rien à l'espace de cette maison! Il me semblait aussi important que la maison donne le ton du film, qui n'est pas un film “social”, même s'il parle du rapport de classes. Belhorizon est plutôt une fable."
La réalisatrice explique pourquoi elle a choisi, pour le rôle féminin principal, une jeune femme inconnue, Ilona Del Marle : "La plupart des filles de 17-18 ans que j'ai vues, surtout celles qui avaient déjà fait du cinéma, avaient un savoir-faire, une connaissance de leur propre physique, une aisance qui ne m'intéressaient pas. Je voulais quelqu'un de plus brut, de moins lisse. Je suis allée vers des filles qui venaient de milieux moins privilégiés. En même temps, Ilona a une classe innée. Tourner avec elle a été très facile. Je crois qu'elle a vécu le tournage comme la fille vit le film. Au départ il n'y avait qu'elle et Emmanuel Salinger, et les gens de l'hôtel, ensuite on a tourné la partie où il y a toute la bande. Elle a vécu la première partie du tournage de façon agréable. Quand les autres sont arrivés, elle a été face à des femmes qui ont de l'aisance, qui ont du métier, et elle a été moins à l'aise, ce qui était assez normal. Donc ce qu'Esmé vivait dans le film, Ilona le vivait aussi un peu dans la vie.
Pour son premier long métrage, Inès Rabadán s'est adjoint les services de techniciens chevronnés, notamment la directrice de la photo Sabine Lancelin, qui a collaboré à plusieurs reprises avec Manoel de Oliveira, et le monteur Yann Dedet, qui travailla avec Truffaut, Pialat ou encore Philippe Garrel.