À première vue, Angel ressemble à ce qui peut se faire de pire en matière de film à costumes épique : une mise en scène dégoulinante de miévrerie, des musiques qui en appelle à la capacité du spectateur à larmoyer ou s'émerveiller devant le destin de personnages interprétés par des acteurs enclins à surjouer constamment etc. Sauf que François Ozon est parvenu à signer avec son film l'exacte antithèse de tout ce qui pouvait se faire en matière de mélodrame tendance Âge d'Or hollywoodien. Car de films comme Antant en emporte le Vent ou Mirage de la Vie, le réalisateur ne semble s'en être approprié que les codes purement formels, aussi bien au niveau des décors (Paradise est un festival de couleurs aux reflets soyeux et moirés)que de la mise en scène elle-même (la scène du baiser est tout simplement anthologique). Mais tout ce qui aurait pu à priori conférer à ce film une incommensurable lourdeur est peu à peu effacé par le scénario lui-même, qui confère à ce dernier un caractère caricatural, subversif et parodique. Ce procédé atteint notamment son paroxysme au travers du personnage d'Angel (et comment le film s'appelle-t-il?), qui entretiendra tout au long du film un rapport des plus malsains avec ce qui l'élévera pourtant au sommet des plus hautes sphères de la société anglaise du XXème siècle, à savoir l'écriture. En effet, jamais héroïne filmique n'a été plus détestable: mitomane, mégalomane, tyrannique et qui s'évertue à écrire des romans que l'on imagine particulièrement mièvres, et cela de manière littéralement compulsive. En somme, Angel n'a absolument rien d'un ange. Personnellement, je pense que le film a réussit l'incroyable tour de force d'assumer pleinement son aspect éxagérement caricatural (et qui ne plaira forcément pas à tout le monde) comme quelque chose de finalement très second degré, pour se concentrer davantage sur son aspect antithètique, notamment au niveau des acteurs: Romola Garai, inhumaine de bout en bout, "joue mal" prodigieusement bien.