L'animateur-réalisateur précise ses intentions : "Dans la peau de Jacques Chirac n'est pas un film de propagande anti (ou pro) Chirac. C'est un décryptage du milieu dans lequel Chirac baigne depuis sa sortie de l'ENA, quand les technocrates se sont emparés du gaullisme (...) Mais surtout, ça raconte la réalité du système français de "bonne gouvernance". Les récents événements autour du CPE le montrent : les jeunes se sont réappropriés la chose politique. La carrière de Jacques Chirac, c'est l'histoire d'un système dans lequel on vit toujours, un univers cynique, très dur et désopilant en même temps."
Karl Zéro : "Michel Royer m'en parle depuis des années. Il travaillait à mes côtés au Vrai journal sur Canal+ et nous sortait chaque semaine de sa musette une archive marrante concernant mon invité politique, avec ce talent incroyable, cet oeil qui fait qu'il déniche toujours la perle rare... Concernant Chirac qui, en tant que Président de la République se ne déplace guère dans les émissions politiques, Michel m'avait concocté un sujet sur le chômage vu par Chirac à pleurer de rire. C'est ce jour-là qu'on a commencé à tourner autour de l'idée de lui consacrer un vrai film de cinéma qui soit à la fois une comédie et aussi un film non pas politique, mais "sur" la politique."
Karl Zéro parle du charisme de Jacques Chirac, qui justifie selon lui un tel film : "La carrière de Jacques Chirac a quasiment débuté en même temps que la télé commençait à se démocratiser : depuis 1967, pas un jour sans qu'on ne l'ait vu dans le poste. A force, ça crée des liens ! Enfant, je me demandais qui pouvait être ce grand type aux mouvements saccadés, à la diction très scandée, avec sa coiffure bizarre qu'on aurait dit peinte sur sa tête (...) En revisionnant toutes ces heures d'archives, nous avons redécouvert ce Chirac-là : jeune, trépidant, toujours sur le coup, incapable de cacher ses sentiments, séduisant... C'est à mon sens ce qui restera de lui, ce côté "bête de scène", concentré de vie, que la jeune génération va découvrir et les autres redécouvrir. Mais au travers de l'épopée de ce "monstre sacré", on voit aussi l'envers du décor de ce qu'est encore aujourd'hui la vie politique française."
Co-réalisateur de Dans la peau de Jacques Chirac, Michel Royer est un spécialiste des archives télévisuelles. Il a longtemps travaillé sur Canal+, non seulement auprès de son complice Karl Zéro pour Le Vrai journal, mais également avec Michel Denisot pour Télé-dimanches dans les années 90. Il est l'un des créateurs de l'émission à succès Les enfants de la télé sur TF1, a conçu un programme baptisé Les 24 heures de la télé, mettant en valeur les archives de l'INA dans le cadre des Journées du patrimoine. On lui doit aussi des montages de 26 minutes diffusés sur la chaîne crytpée, compilant les apparitions télévisées de personnalités françaises (Godard, Jamel, Coluche Depardieu ou Gainsbourg). Au moment où sort Dans la peau de Jacques Chirac, il collabore à Madame, Monsieur, bonsoir, une émission diffusée sur France 5 et consacrée au traitement de l'information par le petit écran au fil des époques.
Homme de télévision, Karl Zéro a déjà quelques expériences au cinéma. En 1993, il réalisait un long métrage, Le Tronc, comédie macabre inspirée de l'Affaire Simone Weber (du nom de la sexagénaire accusée d'avoir assassiné son mari, puis tronçonné le corps du cadavre, en 1985). En 2005, on l'a vu dans le documentaire Viva Zapatero! répondre aux questions de la réalisatrice italienne Sabina Guzzanti. S'interrogeant sur la liberté des journalistes vis-à-vis du pouvoir politique dans son pays, celle-ci a demandé à l'animateur du Vrai journal d'évoquer son expérience. D'autre part, Zero a fait l'acteur dans Le Jour et la nuit de Bernard-Henri Lévy et Le Furet de Jean-Pierre Mocky.
Michel Royer revient sur les trois "paris" de Dans la peau de Jacques Chirac : tout d'abord, "composer un portrait, épique, et digne du grand écran", car Jacques Chirac "est l'homme politique qui a été le plus suivi par les caméras de télévision" et qu'il est donc possible, "avec les extraits le splus significatifs, de raconter son destin romanesque et d'illustrer les multiples facettes de sa personnalité" ; le deuxième pari est que ce film "soit également drôle, jubilatoire", car " nul n'incarne mieux que Chirac la comédie présidentielle" ; dernier défi, "c'est un film entièrement réalisé avec des images d'archives". Royer précise : "Il s'agit d'amener sur le grand écran les images du petit (...) C'est un film sur Jacques Chirac, et c'est un film avec Jacques Chirac."
A propos du financement du film, Karl Zéro fait remarquer : "On ne peut pas dire que les télés se soient jetées dessus pour nous aider à le produire ! C'est pour cela que vous ne trouverez aucun nom de chaîne au générique, ce qui est très rare dans le cinéma français ! Mais après tout, peut-être viendront-elles après sa sortie en salles ? Pour remédier à ce manque, j'ai personnellement investi l'ensemble de mes économies, et les amis de Bonne Pioche ont mis le reste. Donc à la question : "peut-on rire de tout ?", la réponse est "oui, mais avec ses prpres deniers !""
Dans la peau de Jacques Chirac a été produit par Bonne pioche, une maison de production qui a financé nombre de documentaires, clips et magazines. Cette petite société a connu en 2005 un succès international grâce à La Marche de l'empereur de Luc Jacquet, film-phénomène sur les manchots empereurs. Vu par près de 2 millions de spectateurs, c'est aussi le film français qui a obtenu le plus grand succès outre-Atlantique avec plus de 64 millions de dollars de recettes... sans oublier l'Oscar du Meilleur documentaire obtenu en 2006.
Le texte dit par l'imitateur Didier Gustin a été écrit par Karl Zéro et Eric Zemmour. Journaliste au Figaro, écrivain, polémiste, celui-ci connaît bien la vie politique française, côté scène et côté coulisses. S'intéressant plus particulièrement aux partis et aux personnalités de droite, il a notamment signé en 2002 une biographie de Jacques Chirac intitulée Chirac, l'homme qui ne s'aimait pas.
L'imitateur Didier Gustin, qui commente le film en se glissant dans la peau de Jacques Chirac, avait prêté sa voix à un autre président pour un film de fiction : dans Operation Corned-beef de Jean-Marie Poiré, on aperçoit la silhouette d'un président qui rappelle fortement celle de François Miterrand, similitude accentuée par la voix du personnage, qui est celle de Gustin...
En 1981, Jacques Chirac, alors en pleine campagne électorale, était le protagoniste d'une des plus fameuses séquences de Reporters, le documentaire que consacra Raymond Depardon au quotidien de ces journalistes.