Quand elle découvre son cousin vautré au milieu de ses boites de barbituriques, Anna lâche cette remarque laconique : "D'habitude, les gens ne se suicident pas au début de l'été". Dans cet "Alcatraz du Nord", on sent bien que le climat, l'insularité et l'omniprésence des manifestations de la puissance de la nature ne peuvent que façonner des gens pittoresques. D'ailleurs, à part une rugueuse équipe de handball, on ne connaît de l'Islande que Björk, qui se pose là point de vue originalité.
Solveig Anspach ayant par ailleurs choisi comme héroïne de sa première comédie une poétesse dealeuse, et l'action étant construite sur un montage parallèle entre ses pérégrinations qui la conduisent à la prison, l'hôpital et une ferme perdue au fin fond de l'île, et le défilé de ses clients dans sa salle d'attente, le condensé d'humanité qui vient acheter de la marijuana chez Mme Hallgrimsdottir ("La fille de la pierre cachée") oscille entre le loufoque et l'excentrique. C'est d'ailleurs là que réside la faiblesse du film, surtout dans sa première moitié : le défilé de personnages tous plus siphonnés les uns que les autres qui enchaînent leurs numéros (une boxeuse, un slammeur tatoué, un chirurgien écologiste, un Gonzague Saint-Bris contreténor), servis par des acteurs inégaux, tout cela donne une impression assez factice, et la narration semble aussi ballottée que sa principale protagoniste.
Et puis, heureusement, tout en conservant un rythme un peu bancal, le récit se recentre sur un MacGuffin bien trouvé : comment récupérer le portable (avec dans son répertoire la précieuse liste des clients d'Anna) avalé par un jarre forcément bien islandais. Même si on se sent un peu dans la peau de l'étudiant français coincé dans sa perception cérébrale, on se laisse porter par l'absurde des situations et la beauté des paysages.
Car un des personnages principaux de ce film atypique, c'est l'Islande elle-même, comme le montre le premier plan du film, un travelling avant sur une faille volcanique. A l'entassement anarchique des clients dans la salle d'attente s'opposent les vues aériennes sur la route qui serpente entre fjörds et glaciers, avec cette lumière si particulière.
Malgré le jeu approximatif de certains acteurs et quelques situations un peu convenues (le père du fils aîné d'Anna qui débarque avec son bel uniforme de pilote de ligne), d'autant plus déplacées dans ce joyeux capharnaüm, "Back soon" a la fraîcheur acidulé d'un Stimorol, et un sympatique exotisme venu du grand Nord qui démontre une fois de plus l'universalité du cinéma.
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