C'est la sortie de son premier film, Les Amateurs, qui provoqua chez Martin Valente l'idée, mais surtout le besoin, d'écrire une histoire qui évoquerait le vide ressenti après cette expérience : "J'avais tellement attendu ce moment qu'immédiatement après j'ai été un peu déphasé. Je pense que tout le monde a dû éprouver au moins une fois dans sa vie cette sensation-là, ces instants où l'on se sent seul au coeur du monde. J'ai donc décidé d'en faire le sujet de mon deuxième film."
Fragile(s) est le deuxième long-métrage réalisé par Martin Valente. En 2004, son premier film, Les Amateurs, montrait Lorànt Deutsch et Jalil Lespert se démenant pour comprendre les filles... Avec ce deuxième long-métrage, plus introspectif et comportant des points de vue féminins plus approfondis, le réalisateur entamait donc un tout autre challenge : "J'avais (...) envie de faire parler des femmes, ce qui était un véritable défi pour moi, je ne savais pas si j'y arriverais."
Dans Fragile(s), Martin Valente choisit de montrer la difficulté de la vie au travers de personnages qui, à tous les égards, semblent n'avoir rien en commun. Mais s'ils s'opposent de par leur caractère, leur âge ou leur sexe, tous se ressemblent sur un point : ils se trouvent dans un état de fragilité. "Celui de gens qui ne peuvent plus faire face à ce que la société nous demande aujourd'hui, c'est-à-dire avoir toujours à tout prouver en permanence au monde entier, à sa famille ou à soi-même, montrer que l'on est capable d'être à la hauteur. Or la vie ne peut pas se résumer à ça."
Le tournage de Fragile(s) s'est déroulé dans trois lieux différents. L'équipe s'est donc rendue à Paris, en province et aussi à Lisbonne où le tournage a duré trois semaines. Pour Martin Valente, tourner à l'étranger fut une expérience très agréable. "On est dans une bulle, pris par son film, entouré de gens qui parlent une autre langue. On se laisse porter. J'ai tourné dans un pays que je connaissais quand même puisqu'une partie de ma famille est d'origine portugaise. Cela évoquait donc des souvenirs personnels, j'étais fier de ça. Cela allait totalement dans le sens de l'histoire impressionniste qu'est pour moi Fragile(s)."
La musique a joué un rôle important dans la conception du film de Martin Valente. "Je travaille la musique dès l'écriture du scénario. Je collecte d'abord de nombreux morceaux musicaux que j'aime, qui vont m'inspirer, et que je vais écouter en boucle. Après je fais un tri. Enfin au montage, je ne conserve que les musiques qui ont totalement "collé" aux scènes. Ce ne sont pas des musiques qui accompagnent l'action, mais qui se fondent dans l'action." Pour autant, le réalisateur accorde aussi une place importante à la création musicale qui fait aussi partie intégrante de son projet cinématographique. Ces musiques originales sont signées Denis Mériaux. "[Il] a composé pendant que j'écrivais d'après des idées que je lui transmettais, sans lire pour autant ce que j'écrivais. Cette base musicale très importante a été par la suite enrichie par quelques morceaux supplémentaires après le tournage et même jusqu'au montage image."
Après avoir interprété la jeune femme qui fait tourner la tête de Jalil Lespert dans Les Amateurs, Sara Martins incarne l'un des six personnages de la galerie de Fragile(s), composée par Martin Valente. Loin d'être un hasard, cette nouvelle collaboration montre l'attachement et l'admiration que le réalisateur porte à sa comédienne "Je retrouve enfin Sara. Après l'expérience des "Amateurs" je me sentais frustré. Frustré de disposer d'un talent pur que je n'utilisais pas assez. Son personnage ne le permettait pas (...) Pas une seule seconde je n'ai pensé à quelqu'un d'autre pour le rôle qu'elle interprète. D'ailleurs je lui ai donné son prénom."
Dans le scénario de Fragile(s), le personnage joué par Jean-Pierre Darroussin est poursuivi par un chien, qui, subitement semble s'être attaché à lui. Loin d'être une évidence, tenir un chien sur un plateau et lui faire jouer un rôle est une mission des plus délicates, comme l'a expérimenté Martin Valente : " Murphy a subi un entraînement intensif pendant deux mois avec Catherine sa dresseuse. Mais entre ce qu'il est capable de faire chez lui devant sa dresseuse et devant une caméra sur un plateau de cinéma face à Jean-Pierre Darroussin, il y a un monde. Nous avions organisé une première rencontre entre les deux avant le tournage en France. Jean-Pierre aime les chiens et n'en a pas peur et Murphy était plutôt à l'aise (...) Mais pour le reste, j'ai cru m'arracher les cheveux. Dés qu'il se retrouvait entre Jean-Pierre et Marie, ce satané cabot soit filait retrouver sa dresseuse cachée derrière la caméra soit la regardait l'air de dire : "répète un peu, j'ai pas bien compris ce que je dois faire !". J'exagère un tantinet, c'est vrai, mais les premiers jours ont été assez difficiles. Murphy s'en foutait pas mal de Jean-Pierre, celui-ci pouvait l'appeler, le siffler, rien n'y faisait. D'autant que le personnage joué par Jean-Pierre doit normalement se désintéresser totalement du chien, qui, lui, le colle aux basques. Mais Murphy avait décidé le contraire. J'ai donc dû, une fois encore, m'adapter aux contraintes. Hors de questions de changer le scénario. Nous avons usé de stratagèmes divers et variés notamment dans la manière de filmer Murphy. Le plus discrètement possible, souvent en muet (...) et en trichant les actions."