La Tête de maman est le premier long métrage de Carine Tardieu, auteur de deux courts métrages remarqués, dans lesquels se dessinait déjà l'univers de la réalisatrice. Dans Les Baisers des autres (2002), elle brossait le portrait de Sandra, une fille de 15 ans en pleine crise d'adolescence. L'Aîné de mes soucis (2004), évoque le thème du cancer (présent dans La Tête de maman) à travers le regard que porte un garçon de 10 ans sur sa mère malade. Tardieu a également travaillé comme scénariste sur Age sensible, feuilleton diffusé sur France 2 et rapidement interrompu faute d'audience suffisante, mais salué par la critique pour la justesse du regard porté sur l'adolescence. Ajoutons que les courts métrages de la cinéaste ont fait l'objet de romans parus chez Actes Sud Junior.
La cinéaste reconnaît avoir puisé dans son expérience personnelle pour nourrir cette histoire : "(...) oui, j'ai perdu ma mère quand j'avais 26 ans. C'est vrai aussi qu'elle était un peu absente, toujours fatiguée et centrée sur ses propres angoisses. C'est vrai encore que j'en ai souffert mais je ne m'en suis vraiment rendu compte qu'après sa mort. Paradoxalement, nous étions très proches, voire fusionnelles, mais dans un rapport mère / fille inversé. Pendant le tournage, je donnais souvent à Karin Viard cette indication : "Juliette (le personnage de la mère) est encore une enfant. N'oublie pas que tu es cette petite fille-là."
L'idée de l'amour de jeunesse de la mère trouve aussi son origine dans des faits réels, comme l'explique la réalisatrice : "J'ai souvent entendu ma mère parler de l'un de ses premiers amours, Jacques, dont elle s'est séparée sous la pression parentale car elle était juive et pas lui. Même si par la suite, elle a vécu une belle histoire d'amour avec mon père, elle a magnifié le souvenir de cet homme. J'ai repris à mon compte cette espèce de fantasme masculin mais je ne l'ai jamais recherché comme dans le film."
La réalisatrice revient sur le choix des trois comédiens principaux : "Pour incarner Juliette, il fallait une actrice fondamentalement vivante. Je voulais que sous la Juliette dépressive, on en sente une autre, potentiellement joyeuse et solaire. Karin Viard a naturellement cette énergie-là. Pour le rôle de Jacques, j'ai pensé rapidement à Kad Merad. Il sait que c'est, entre autres pour son physique "pas trop beau gosse" que je l'ai choisi. Il a adoré quand je lui ai dit ça ! Je suis très admirative de son travail, c'est un bel acteur. Pour Antoine, le mari, (Pascal Elbé), j'avais besoin d'un homme avenant et aimant, dont on puisse dire immédiatement qu'il est le mari idéal : beau, touchant et rassurant. Lulu devait se demander comment sa mère pouvait aimer Jacques alors qu'elle avait Antoine."
La jeune Lulu est fan de Jane Birkin, sa chambre est tapissée de photos de l'égérie gainsbourienne. Dans ses moments de blues, Lulu voit apparaître son idole, qui devient sa confidente, ce qui donne lieu à des apparitions cocasses de la vraie "Jane Birkin" dans le film... "Adolescente, j'étais une véritable fan.", confie la cinéaste"J'allais trois fois de suite à ses concerts, je collectionnais ses photos et je connaissais ses chansons par coeur. Comme dans le film, j'avais une mère un peu défaillante et Jane incarnait pour moi la mère idéale. Quand j'ai écrit le scénario, la mère de substitution ne pouvait être que Jane Birkin. Si elle n'avait pas accepté le rôle, j'aurais été très ennuyée. Mais notre première rencontre s'est bien passée et elle a aimé le scénario. Même si, sans doute par pudeur, on ne s'est jamais vraiment parlé du pourquoi je la voulais tellement, je sais qu'elle a compris."
On entend dans le film plusieurs chansons de Jane Birkin, des classiques de Gainsbourg mais aussi These foolish things, un standard interprété en duo avec Jimmy Rowles pour la bande originale de Daddy Nostalgie de Bertrand Tavernier (1990). D'autre part, la comédienne interprète en duo avec Chloé Coulloud la chanson du générique de fin, dont les paroles ont été écrites par le scénariste Michel Leclerc. Jane Birkin inspire décidément beaucoup les jeunes réalisatrices : on se souvient de Sandrine Kiberlain fredonnant Di doo dah dans En avoir (ou pas) de Laetitia Masson ou d'un autre premier film, Les Autres Filles de Caroline Vignal : la cinéaste avait choisi ce titre en référence au refrain de cette même chanson...
On a déjà pu apercevoir la jeune Chloé Coulloud dans L'Ecole pour tous de Rochant, et sur le petit écran, dans le téléfilm La Surprise diffusé quelques semaines avant la sortie de La Tête de maman. La réalisatrice explique pourquoi elle l'a choisie pour tenir le rôle principal de son film : "Sylvie Peyrucq avait déjà auditionné plus de 200 jeunes filles de 15 ans quand, un jour, en passant devant la salle d'attente du casting, j'ai aperçu Chloé, un peu garçon manqué, assise sur les marches avec un "sweat" à capuche jaune. Immédiatement, j'ai pensé : "C'est Lulu !". Dans la vie, Chloé Coulloud est d'ailleurs très proche du personnage. Comme Lulu, elle a un sacré caractère et une forte personnalité. Elle a mal vécu d'avoir été obligée de grossir. Quand je la raisonnais en lui expliquant que ces kilos étaient comme un costume à porter le temps d'un tournage. Elle me répondait que ce costume-là, elle ne pouvait pas l'enlever le week-end ! Je l'adore, même si parfois je l'appelais "l'attachiante"."
Pour l'écriture du scénario, Carine Tardieu s'est adjoint les services de Michel Leclerc, qui a beaucoup travaillé pour la télévision (il a notamment créé la série Age sensible), et a lui-même réalisé un premier long métrage, J'invente rien, une comédie sortie en 2006 avec, déjà, Kad Merad. Connu plutôt comme amuseur, celui-ci est cette fois dans le registre de l'émotion, une facette qu'il a montrée dans Je vais bien, ne t'en fais pas. de Philippe Lioret, un film produit, comme La Tête de maman, par Christophe Rossignon, et qui lui a valu le César du Meilleur second rôle en 2007.
Juste après le tournage de La Tête de mamn, Kad Merad et La Tête de Maman se sont retrouvés sur celui de 3 Amis de Michel Boujenah.
Une grande partie de l'action du film se situe dans la maison où vivent Lulu et ses parents. Certaines séquences ont également été tournées dans un zoo. La réalisatrice parle de l'importance symbolique de ces deux lieux : "La maison, avec ses papiers peints vieillots, est une métaphore de Juliette. Elle s'y est installée avec son mari 20 ans auparavant et, comme elle, elle a quelque chose de désuet et d'éteint. Le zoo, c'est le romantisme absolu, un endroit magique, fantasmatique et accueillant. Le lieu de l'amour et de la vie. Je voulais exprimer l'idée paradoxale que l'on se sent enfermé dans la maison et libre dans le zoo. Et d'ailleurs, on n'y voit quasiment aucun animal en cage."
Le producteur Christophe Rossignon se plaît à faire des apparitions dans ses films. La Tête de maman n'échappe pas à la règle. Il joue cette fois le rôle d'un patron de café.