Cinéma, cinémaaaaaa ! De salle en salle …
Il y a toujours chez Gondry, un petit truc à part, le genre de trucs qui le rend légèrement inadapté au système, un petit côté homemade extrêmement sympathique. Soyez Sympas Rembobinez en est le parfait exemple.
On est à la croisée des chemins entre la fin de la VHS et l’explosion du DVD. M. Fletcher tient un vidéo-club à l’ancienne, exclusivement en VHS. Il est lui-même un peu « mod kozh » comme on dit chez moi et nostalgique d’une époque où les rapports humains dans le quartier étaient nombreux, où le jazz de Fats Waller, natif du coin, résonnait partout. Un jour il confie sa boutique à ses deux assistants qui par erreur vont effacer toutes les cassettes. Pour que les clients ne rapportent pas la bévue au patron, ils décident de tout refilmer par eux-mêmes.
C’est par une séquence en noir et blanc retraçant la vie du jazzman que le film débute. On y mettra du sens plus tard. La création du décor et des protagonistes se fait en finesse par touches loufoques et pourtant pleines de gravité contenue. On saisit parfaitement les enjeux individuels et collectifs du récit qui va nous être conté. Voir Danny Glover est (toujours) un plaisir et Mos Def et Jack Black sont parfaits de même que l’ensemble des seconds rôles. On sent entre-eux une sorte de communion tout à fait crédible et qui porte le message du film. Mais la vraie trouvaille du film, éclair de génie, c’est le concept du « suédage », mot inventé pour le film et source inépuisable de gags et de déclaration d’amour au cinéma. Car ce film est avant tout cela, une déclaration d’amour : aux projets collectifs, à la vie en communauté, à l’héritage culturel et artistique, à tous les cinémas, des classiques aux blockbusters. Gondry nous rappelle que le cinéma, c’est embarquer le spectateur dans une histoire et opérer un travail de prestidigitation pour le tromper. Dans un sens, le film est à mettre en rapport avec le Hugo Cabret de Scorcese, on y trouve la même fascination pour l’intelligence pratique des créateurs. L’un comme l’autre semblent remercier leurs pairs et leurs pères pour l’invention de cette magie de l’image animée. Mais là où Scorcese se perdait un peu dans un récit enfantin, Gondry reste focalisé sur ses personnages foutraques, à la recherche de l’absurde des doux-dingues, du génie de ceux qui n’ont pas peur. De fait, c’est très très drôle et pour peu qu’on ait vu les films suédés par nos héros, les clins d’œil sont nombreux et réjouissants. Pour avoir testé le film sur des ados, ça marche aussi sans une grande culture ciné.
En bref, ce Gondry est pour moi ce qu’il a fait de mieux à ce jour. Une expérience de cinéma rare et une vraie comédie qui ne prend pas le spectateur pour un débile, mieux, le film partage avec lui le sentiment d’être là tous ensemble, comme une grande famille de cinéphiles. Captivant et tellement réjouissant !